Sophie Henry, Secrétaire générale du Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP) répond à quelques questions sur la médiation conventionnelle dans le cadre d’un contentieux informatique. Plus rapide et moins coûteuse qu’une procédure classique de médiation judiciaire, cette solution alternative offre certains avantages.
- Dans un contentieux informatique, quels sont les avantages d’une médiation sous l’égide du CMAP ?
Avant tout, un gain de temps pour les entreprises puisque la durée d’une médiation est de deux à trois mois, deux en matière conventionnelle et trois en judiciaire. Or dans un contentieux informatique, une procédure judiciaire peut durer deux à trois ans, expertise comprise, ce qui est totalement incompatible avec la vie d’une entreprise qui a par exemple, un site internet bloqué ou un système informatique qui ne correspond pas à ses attentes et ou à celles de ses clients. L’intérêt de la médiation est d’avancer plus rapidement. Un autre avantage est la maîtrise, par l’entreprise, de son différend puisque dans une médiation, ceux par qui le conflit est né se retrouvent autour de la table des négociations pour essayer de se comprendre à nouveau et trouver des solutions.
On constate en effet que dans ce type de contentieux, les conflits naissent en grande partie de problèmes d’incompréhension entre les parties, de difficultés d’interprétation, d’avis divergents, ou encore de désaccords dans les phases de validation. C’est très symptomatique de ce type de contentieux. En renouant une communication, la médiation va aussi permettre de pérenniser les relations contractuelles, contrairement au conflit judiciaire où les relations vont être totalement rompues. Or en informatique plus que dans tout autre domaine, on est un peu condamné à vivre ensemble, les projets étant généralement bâtis sur trois ou quatre ans. Enfin, la médiation présente l’avantage de la confidentialité. Un contentieux peut en effet avoir des retentissements sur l’image de marque des entreprises.
- En quoi la médiation se distingue t-elle de l’expertise dans une situation précontentieuse ou contentieuse ?
Dans l’expertise, la mission de l’expert est de déterminer quelle est l’origine du conflit. Il établira un historique des relations contractuelles pour comprendre à quel moment l’une ou l’autre des parties n’a pas exécuté correctement sa prestation, et ce, afin d’éclairer le juge sur les responsabilités respectives. Or en médiation, on cherche une solution et non des responsabilités. L’autre différence tient aussi à une meilleure maîtrise du temps et par là même du coût.
En médiation, l’entreprise peut à tout moment interrompre le processus. Elle n’est pas obligée d’aller jusqu’au bout, c’est un processus libre. Si elle estime que cela ne mène à rien car l’autre partie ne joue pas le jeu ou n’est pas de bonne foi, elle peut décider d’arrêter sans aucune sanction.
- Quels sont les principaux écueils à éviter pour réussir une médiation ?
Le principal écueil est d’aller en médiation en restant campé sur ses positions. La médiation est un espace de discussion et de communication précisément pour trouver des solutions et pas des coupables. Il faut éviter toute prise de position sans volonté de faire des concessions. La médiation revient en effet à faire des concessions réciproques. Un autre écueil à éviter est d’avoir une clause de médiation trop longue et trop détaillée notamment sur l’organisation de la procédure (désignation du médiateur, détail des missions, paiement des frais, etc.).
Une clause de médiation doit être à la fois précise et concise pour éviter toute difficulté d’interprétation et l’apparition d’un conflit autour même du processus. Enfin, le dernier écueil est de ne pas préparer la médiation. Les entreprises doivent en effet anticiper le déroulement du processus et la stratégie à adopter pendant les discussions.
- Qu’avez-vous à dire à tout ceux qui hésitent encore à recourir à la médiation ?
Les entreprises n’ont rien à perdre mais tout à gagner. Même si finalement la médiation n’aboutit pas, elles se sont rencontrées dans un espace neutre pour tenter de se comprendre et peut être trouver une solution. De plus, elles ne perdent aucun droit d’agir en justice puisque depuis 2008, la médiation interrompt les délais de prescription.
Interview réalisée par Isabelle Pottier, avocat.
Parue dans la JTIT n°96/2010, janvier 2010.