Injure publique et liberté d’expression artistique : quelle limite ? Un rappeur et sa maison de production ont été condamnés par jugement du 25 octobre 2011 de la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris pour injure publique à l’encontre du journaliste Eric Zemmour.
Les propos incriminés étaient les suivants : « A force de juger nos gueules, les gens le savent, qu’à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards, chaque fois que ça pète on dit que c’est nous, je mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour ».
Aux termes de l’article 29, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective visant une personne déterminée et qui porte atteinte à son honneur ou à sa dignité est une injure ». L’injure peut ainsi consister en des termes grossiers ou blessants.
En l’espèce, le tribunal a considéré que l’expression « ce con d’Eric Zemmour » avait « une portée outrageante et méprisante en ce qu’[elle] s’insère en point d’orgue d’une mesure implicite ou d’un appel à faire taire un individu, au surplus, nommément désigné, ce qui est précisément contraire au fondement de la liberté d’expression dans une démocratie ».
Par arrêt du 28 juin 2012, la Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement.
Elle a, au contraire, estimé que les propos poursuivis « n’excédaient pas les limites admissibles en matière de liberté d’expression artistique » et qu’Eric Zemmour, « journaliste, chroniqueur et polémiste connu pour son sens pas toujours bienveillant de l’humour et de la formule » est « un personnage public » vis-à-vis duquel « une plus grande tolérance s’impose ».
Cette solution est à rapprocher de celle retenue en matière politique. La jurisprudence prend en effet en compte la polémique politique, à condition toutefois que les propos n’excèdent pas, par leur violence et leur outrance, les limites admissibles de la polémique politique.