Au Brésil, la procédure d’attribution des fréquences radioélectriques 2,5GHz pour le développement des technologies de télécommunications mobiles 4G, dont le résultat a été publié le 13 juin 2012, a soulevé des questions juridiques particulières.
Conditions d’attribution de fréquences dans la bande 2,5GHz
En effet, du fait de l’existence d’une demande importante pour l’exploitation de cette bande de fréquences, l’Autorité de régulation des télécommunications brésilienne (Anatel) a décidé d’imposer des obligations nouvelles de déploiement et de couverture des services de communications électroniques dans les zones rurales par le biais de la bande de fréquences radioélectriques 450MHz, dont la valeur est moindre.
Il convient de rappeler que le déploiement des communications électroniques dans les zones rurales, qui exige des investissements considérables et dont la rentabilité est incertaine, est par ailleurs une obligation des opérateurs concessionnaires de service public de téléphonie fixe au titre du service universel.
Ainsi, les modalités et les conditions d’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 2,5GHz, très critiquées par les opérateurs, prévoyaient que si personne ne souhaitait occuper les seules fréquences affectées aux zones rurales, alors celles-ci devront être attribuées aux opérateurs exploitant la 4G. Or, aucun candidat n’ayant demandé à n’occuper que les fréquences 450MHz, conformément aux conditions définies par l’Anatel, les opérateurs intéressés par la 2,5GHz ont été contraints de se porter également candidats pour la 450MHz.
Politique d’attribution de fréquences au Brézil
Le Brésil a ainsi perdu une occasion de mettre en œuvre une politique de service universel transparente et neutre pour le marché, fondée sur l’utilisation des ressources du fonds du service universel des télécommunications (appelé « Fust ») et finançant le développement de l’accès des personnes aux revenus modestes aux services de téléphonie et d’internet haut débit dans les zones rurales.
Par ailleurs, le choix effectué par les autorités publiques est juridiquement contestable au regard de l’interdiction de subvention croisée prévue par la loi sur les télécommunications du 16 juillet 1997 (dite loi « LGT »).
Le coût de déploiement des services de communications électroniques dans les zones rurales sera donc de facto financé indirectement par les usagers de la téléphonie mobile 4 G.
Le service de distribution multicanaux multipoint (MMDS)
Un autre aspect particulier de la procédure d’attribution consiste dans le fait que la bande de fréquences 2,5GHZ est actuellement utilisée par un service de distribution multicanaux multipoint (MMDS) (1), un procédé de distribution par voie hertzienne de programmes de télévision depuis un site d’émission central vers des points de réception multiples situés sur une zone délimitée et utilisant la bande 2,5 à 2,7GHz.
En 2010, l’Anatel a réaménagé le spectre afin d’attribuer la bande de fréquences ainsi libérée aux utilisateurs de la technologie 4G. Il convient de noter que certains candidats intéressés par la 4G exploitaient déjà le MMDS.
Une procédure d’attribution de fréquences 4G complexe
La procédure d’attribution de fréquences 4G a été ainsi particulièrement complexe. Des entreprises souhaitant participer aux enchères ont été obligées de renoncer aux autorisations d’utilisation de radiofréquences dont elles étaient titulaires pour le MMDS, indépendamment du résultat de la procédure d’attribution des licences mobiles 4G dans la bande 2,5GHz, ce qui n’a pas été sans soulever des difficultés juridiques.
En effet, cette renonciation obligatoire a restreint les droits qualifiés en 2010 par la réglementation sectorielle d’éléments du patrimoine des opérateurs titulaires des autorisations accordées par l’Anatel. Cette question pourtant débattue n’a pas donné lieu à une solution juridiquement certaine et définitive, mais la règle a tout de même été maintenue et les opérateurs ont finalement accepté pour des raisons de stratégie commerciale les renonciations exigées.
Cependant, l’occupation des bandes de fréquences a suscité deux autres problèmes juridiques postérieurement aux enchères.
L’indemnisation des exploitant de MMDS
En premier lieu, les opérateurs actuels exploitant le service MMDS doivent être indemnisés par les lauréats de la procédure d’attribution des fréquences dans la bande 2,5GHz, en raison du retrait partiel des premiers de la bande de fréquences à la suite du réaménagement du spectre en 2010, l’indemnisation concernant aussi ceux n’ayant pas participé aux enchères.
A cet égard, l’Anatel aurait dû définir des critères précis de détermination des montants des indemnités, afin d‘établir une sécurité juridique pour les entreprises ayant acquis les radiofréquences et celles devant être indemnisées. Mais, les documents d’appel à candidatures restent imprécis sur ce point, se contentant d’inviter les opérateurs à négocier entre eux postérieurement et de prévoir une intervention éventuelle de l’Anatel.
Les négociations avec les exploitant de MMDS
En second lieu, les exploitants de MMDS, qui ont participé aux enchères, sont autorisés à se retirer de la bande de fréquences 2,5GHz qui leur avait été assignée à la fin des années 1990, 18 mois après la publication du résultat de la procédure d’attribution des licences mobiles 4G, afin d’attribuer la bande de fréquences ainsi libérée à des tiers.
Les opérateurs sont donc aujourd’hui entrés dans une phase de négociations et de pourparlers qui durera plusieurs mois et qui porte sur la réallocation au profit du service mobile 4 G des bandes de fréquences affectées au MMDS.
Le modèle de développement des réseaux mobiles 4G appliqué au Brésil est certes juridiquement critiquable sur certains points, mais la procédure d’attribution de fréquences marque une étape importante pour le secteur. Les enchères ont été une déclaration de mise en concurrence et leurs résultats sont décisifs pour le développement des réseaux mobiles à très haut débit.
La réalisation de la prochaine procédure importante de mise aux enchères de radiofréquences dépend de la libération des canaux analogiques utilisés par la télévision non payante et donc du degré de pénétration de la télévision numérique (qui est encore dans une phase initiale de développement), dont le schéma organisationnel sera sans doute influencé par la procédure d’attribution des fréquences 4G.
(1) Microwave Multipoint Distribution System, surnommé le « câble hertzien » (wireless cable). Système de diffusion terrestre, utilisant la bande 2,5 à 2,7 GHz. La diffusion MMDS peut être analogique (Pal, Sécam, NTSC) ou numérique. Elle est très courante dans certains pays du monde, notamment en Afrique.