La distribution en ligne d’ œuvres audiovisuelles dans l’Union européenne fait l’objet d’une résolution, suite à un rapport du 25 juillet 2012 rédigé sous l’impulsion du rapporteur Jean-Marie Cavada (1).
Ce rapport fait suite à l’adoption, par la Commission européenne, d’un Livre vert sur la distribution en ligne d’ œuvres audiovisuelles dans l’Union européenne, le 13 juillet 2011. Tous deux ont un objectif commun : réfléchir sur l’avenir d’un marché unique du numérique au sein de l’Union européenne (2).
Prévenir les risques et réprimer les abus nés de la distribution en ligne d’ œuvres audiovisuelles, tel est l’objet de ce rapport. Son point clef tient en une phrase : il faut rendre l’offre légale plus attractive. Une idée à laquelle même les adeptes de l’offre illégale peuvent se montrer sensibles, comme en témoigne une pétition « Don’t make me steal » (Ne me poussez pas au vol), le manifeste des futurs ex-pirates (3).
Appelés à s’interroger sur les répercussions de l’évolution technologique sur la distribution des œuvres audiovisuelles et cinématographiques et sur leur accès, les eurodéputés ont tâché de mettre en lumière l’importance des industries culturelles et créatives dans l’Union européenne, en insistant sur les apports considérables du numérique pour la création et la diffusion de ces œuvres. Il faut impérativement envisager la distribution en ligne de supports audiovisuels comme un point fort et ainsi encourager son développement. Il faut aussi prendre conscience des risques que cette dernière peut engendrer.
La distribution en ligne d’ œuvres audiovisuelles, un monde des possibles
« Les industries culturelles et créatives représentent un nombre important d’emplois dans l’Union et leur contribution économique en termes de valeur ajoutée est de 2,5% du PIB, autant que le secteur automobile », souligne le rapport du 25 juillet 2012. Le Livre vert vient d’ailleurs étayer ces propos, affirmant, par exemple, que le marché européen de la télévision est le deuxième plus grand au monde, après les Etats-Unis, et que la France est le numéro un mondial de l’IPTV (ou télévision sur internet).
L’Union a donc tout intérêt à développer son secteur audiovisuel, et Internet pourrait bien être la clef de ce déploiement, étant un outil précieux pour toucher un public de plus en plus large, en Europe et au-delà. La distribution numérique doit être favorisée, là où, pour l’heure, la majorité des services de médias audiovisuels vise principalement un public national ou une zone linguistique déterminée, selon les dires de la Commission de la culture et de l’éducation (chargée de l’élaboration de ce rapport).
Toutefois, lorsque le numérique vient croiser l’audiovisuel, les risques sont multiples, touchant en premier lieu les artistes. Problème récurrent de l’Union européenne, la disparité des différentes législations nationales met parfois un frein à la naissance de ce marché unique du numérique. La gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins se façonne lentement au fil des directives européennes. Pour l’heure, cette gestion est bien loin d’être effective, son absence se ressentant particulièrement dans la rémunération des artistes.
Une rémunération inadéquate des artistes d’ œuvres audiovisuelles
Quel bonheur pour tout artiste, qu’il soit auteur, interprète ou exécutant, de voir son œuvre distribuée en ligne aux quatre coins du monde… Seulement, parfois, la gloire ne suffit pas : il faut être connu et rémunéré. Il s’agit là d’une des difficultés majeures générées par la distribution en ligne. La plupart du temps, les artistes transfèrent leurs droits économiques exclusifs au producteur, en échange d’un paiement forfaitaire « de rachat » pour leur contribution à l’œuvre audiovisuelle.
Conséquence logique de cette pratique courante dans le secteur, la plupart des Etats membres ne prévoient pas, sauf rares exceptions, un paiement « par utilisation » pour l’exploitation en ligne des œuvres audiovisuelles. Or, si le marché unique du numérique voit le jour, il sera indispensable que les options de rémunération de l’artiste soient les mêmes à travers tous les pays de l’Union, puisque les contenus audiovisuels sont destinés à y être distribués facilement. Les membres de la Commission ont alors souhaité rappeler la nécessité de veiller à une rémunération adéquate de ces artistes détenteurs de droits.
La croissance des usages non autorisés
La Commission de la culture et de l’éducation n’a pas manqué de rappeler la fracture numérique qui sépare les différents Etats membres de l’Union européenne. Si l’accès au haut-débit internet ne concerne donc pas tout le monde, les pays privilégiés doivent toutefois se livrer à une lutte sans relâche contre l’usage non autorisé des contenus audiovisuels distribués en ligne. Le téléchargement illégal entre bien sûr en ligne de mire, sans être pour autant l’ennemi juré de ce rapport, lequel pointe à titre principal le streaming.
Certes, la sanction du spectateur en ligne n’est pas encore d’actualité (sa responsabilité étant très difficile à mettre en œuvre), mais le temps vient de s’attaquer férocement aux plateformes payantes de téléchargement illicite comme de streaming. Comment les anéantir ? En empêchant le financement de tels services par la publicité, propose la Commission, pour la partie qu’on pourrait dire répressive. Mais il ne suffit pas de combattre, il faut aussi prévenir. Point clef de ce rapport : il convient de renforcer l’attractivité du contenu licite sur internet.
La priorité : rendre l’offre légale plus attractive
L’idée n’est pas nouvelle, étant même souvent invoquée comme moyen de défense par leurs spectateurs : les plateformes de contenus audiovisuels illicites ne seraient sans doute pas tant florissantes si l’offre légale en était un plus robuste concurrent. Il convient donc de renforcer l’attractivité du contenu licite, tant sur le plan de la quantité que sur le plan de la qualité. Cette démarche doit passer par l’amélioration de la disponibilité en ligne des œuvres audiovisuelles, l’offre de contenus sous-titrés dans le plus grand nombre de langues possibles, la sécurisation des plateformes de distribution et de leurs systèmes de paiements en ligne et la mise en place de micropaiement (via SMS ou application téléphonique).
C’est là un dépoussiérage nécessaire de l’offre légale, pour l’insérer dans une concurrence saine entre les divers pays européens et s’armer contre l’offre illégale. L’intention de la Commission et ses propositions concrètes pour rendre l’offre légale plus attractive sont à saluer. Néanmoins, avant d’être applaudis, les artisans de cette amélioration gagneront sans doute à écouter les futurs destinataires de cette nouvelle offre légale de compétition. Si la contrefaçon n’est en aucun cas excusable, il semble indispensable de comprendre ce qui pousse tant d’européens (et tant d’autres) à privilégier l’offre illégale de contenus audiovisuels envers et contre tout.
(1) Résolution du 11-9-2012 ; Rapport du 25-7-2012
(2) Livre vert COM(2011) 427 final du 13-7-2011 ; Communiqué du 13-7-2011
(3) Manifeste du consommateur de média numérique