Le refus légitime des ayants-droit de Giacometti. Le sculpteur Alberto Giacometti n’a jamais exprimé ses intentions quant à l’édition des fontes posthumes de ses œuvres devenues sujet de discorde pour les ayants-droit de Giacometti disposant en indivision des droits patrimoniaux et moraux de l’artiste.
Par convention du 4 avril 2004, les coindivisiaires ont convenu que « chaque mandant s’engage à ne pas éditer individuellement d’œuvres d’Alberto Giacometti (…) l’édition ou le complément d’édition ne sera effectué que dans l’hypothèse d’un accord unanime, aussi bien sur le principe de l’édition que sur les modalités de celle-ci ».
En 2011, la Fondation Alberto et Annette Giacometti qui souhaitait la réédition de 98 fontes posthumes de l’artiste s’était heurtée au refus des autres ayants-droit de Giacometti coindivisaires : les consorts X… et la Fondation Giacometti Stiftung.
Considérant que cette position était « étrangère au rayonnement de l’œuvre et à l’intérêt de commun de l’indivision » elle les a assignés devant le Tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l’article L.122-9 du Code de la propriété intellectuelle.
Le Tribunal ayant débouté la Fondation Alberto et Annette Giacometti au motif que le refus des autres indivisaires n’était pas notoirement abusif au sens de l’article précité, la Fondation Alberto et Annette Giacometti a interjeté appel du jugement. Cette dernière soutenait notamment que l’application de l’article L.122-9 n’exige pas la démonstration « d’un comportement notoirement abusif de la part d’un des ayants-droit ». Sur ce point, la Cour a fait droit à l’argument de l’appelante considérant que « le tribunal ne peut être suivi en ce qu’il a considéré que devait être recherché l’abus notoire des consorts X… et la Fondation Giacometti Stiftung dans leurs refus d’exploitation des fontes posthumes sollicitée par la Fondation Alberto et Annette Giacometti ».
Pour autant, la Cour a considéré qu’en l’absence d’écrits du sculpteur précisant les conditions dans lesquelles il aurait souhaité que soient exploitées ses œuvres posthumes, « rien ne permet d’affirmer qu’il aurait approuvé la fonte en 98 exemplaires des ses œuvres selon les modalités envisagées » et que le refus opposé par la Fondation Giacometti Stiftung et consorts X… ne pouvait être qualifié d’abusif dans la mesure où il n’avait pas pour effet de « rendre l’œuvre inaccessible au public, au risque de la faire sombrer dans l’oubli ». Le refus opposé était donc légitime, la Fondation Alberto et Anette Giacometti a été condamnée à verser la somme de 10.000 euros aux intimés au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Marie Soulez
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
CA Paris 11-1-2013 n° 11/19183