Depuis plus de 20 ans maintenant, le Patent and Trademark Office américain a délivré de nombreux brevets portant, non seulement sur des technologies informatiques susceptibles d’applications industrielles (et ayant un effet technique sensible), au même titre que l’office européen des brevets (de manière plus nuancée et progressive), mais également sur des concepts, algorithmes, protocoles, méthodes… Cette extension du brevet vers des procédés et produits virtuels a été rendue possible aux Etats-Unis par l’absence de condition d’application industrielle dans la législation américaine, et a conduit les fabricants de matériels informatiques (IBM) et les éditeurs de progiciels (Microsoft), à déposer de nombreux brevets couvrant les technologies mises en œuvre dans leur production. Parallèlement, les éditeurs de logiciels se sont vus reconnaître du seul fait de leur création, des droits d’auteur. Deux familles de titulaires de droits, l’une sur les brevets (inventeurs) et l’autre sur les droits d’auteur (éditeurs industriels cumulant les portefeuilles de droits) se sont développées avec l’objectif commun d’assurer la promotion commerciale de leurs créations. L’émergence début 80, des logiciels libres et de la philosophie du copyleft a bouleversé cet équilibre, les éditeurs de libres ayant opéré une sorte de dévoiement du monopole du droit d’auteur pour imposer qu’il soit « interdit d’interdire ». Les éditeurs ont ainsi l’occasion de reconstituer un phénomène de rareté de l’offre en contrôlant moins l’usage des logiciels que l’usage des outils servant à la réalisation des logiciels et qui sont aujourd’hui devenus, pour un nombre important d’entre eux, des standards.
Fabricants et éditeurs rappellent que le développement de programmes (assemblage et composition) a nécessité l’usage de technologies injustement considérées comme triviales ou communes dès lors que réservées par le biais de brevets d’invention. Les outils servant à la réalisation des logiciels sont aujourd’hui devenus pour un grand nombre d’entre eux des standards, ce qui pourrait conduire inventeurs et auteurs à enterrer la hache de guerre. Les milliers de brevets de logiciels déposés depuis plus de 20 ans ont fait l’objet de publicité relativement discrète, de telle sorte que l’ampleur du « rights shoping » ne s’est révélée que bien des années après la mise sur le marché de ces technologies, tout en ne leur faisant pas perdre leur caractère protégeable. Mais elles ont été si largement diffusées qu’elles ont pu devenir des standards.C’est à partir du moment où les technologies de base ont pu devenir des standards et que la valeur intrinsèque de la protection par le droit d’auteur diminue du fait de la disponibilité des produits complexes que se révèle le caractère privé des outils de base. Tout ceci a pour effet de déplacer le niveau de la protection et non de le supprimer. Un tel déplacement provoqué par un dévoiement du régime légal applicable aux logiciels est préoccupant car il conduit à réserver un monopole d’exploitation très en amont dans le processus de création, ce qui pourrait rendre les efforts de recherche et développement plus difficiles et plus coûteux. Cette démarche risque de conduire à la dégénérescence du droit d’auteur appliqué aux créations logicielles :
- dès lors que le logiciel (son code source) n’est plus rare parce que publié (GPL), sa valeur économique chute ainsi que l’usage du monopole d’exploitation censé en préserver la valeur ;
- pour reconstituer la valeur de leurs actifs, les acteurs du marché vont rechercher des ressources rares (donc marchandes) leur assurant une exploitation profitable.
Autres brèves
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