Est-il possible d’acheter et revendre à prix d’occasion des produits numériques, tels que des fichiers MP3, des applications ou des livres numériques ?
En principe, le droit d’auteur ne doit pas faire obstacle à la libre circulation des marchandises. En application de la théorie de l’épuisement des droits, le droit d’auteur est limité à la première vente, un livre papier une fois acquis par le consommateur pourra toujours être revendu par celui-ci sur un marché d’occasion. En est-il de même pour les livres numériques et plus généralement pour tous les biens numériques ?
Il existe déjà des plateformes d’échange de produits numériques, comme la plateforme Re Digi, sur laquelle il est possible de revendre d’occasion des fichiers musicaux, ce qui ne va d’ailleurs pas sans déplaire aux labels de musique, tel que Emi Capitol Records, qui a attrait Re Digi devant la justice américaine.
En janvier, Amazon a obtenu l’enregistrement d’un brevet pour créer une plateforme de vente de contenus numériques. L’idée est la suivante, il serait possible de revendre, sur cette plateforme, un livre numérique acheté sur Amazon et sur la vente duquel ce dernier toucherait un intéressement.
Si l’idée est séduisante pour le consommateur, elle serait en pratique soumise à un certain nombre de contraintes au regard des droits de propriété intellectuelle. En effet, généralement, l’acquéreur d’un livre numérique n’acquiert sur ce bien qu’une licence d’utilisation, qui limite l’usage qu’il peut en faire et notamment la possibilité d’en faire ou non des copies dans un nombre limité. En outre, si, par la vente d’un livre papier, le vendeur est dépossédé de son bien, ce n’est pas le cas du livre numérique, qui permet toujours à l’acheteur d’origine d’en conserver une copie. C’est pourquoi Amazon envisage un système qui limiterait la revente dans le temps, ainsi que le nombre de copies, qui effacerait le livre numérique du compte de l’utilisateur revendeur une fois la transaction effectuée. Un tel marché n’a, en effet, d’intérêt que si le nombre de copies est limité, car il serait tentant pour le consommateur de multiplier les copies pour les vendre ensuite à prix cassé sur le marché.
Le 7 mars dernier, Apple a également enregistré un brevet lui permettant d’ouvrir, lui aussi, une place de marché d’occasion de contenus numériques.
Pour l’heure, ni Amazon ni Apple n’ont encore annoncé la date à laquelle ces plateformes seront opérationnelles.
Marie Soulez
Joséphine Weil
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
Source : Les blogs du Monde, La Feuille, 11-3-2013