L’Autorité de la concurrence a a été saisie pour avis sur l’analyse du « marché 6 ». La régulation concurrentielle du secteur des télécoms s’appuie sur des règles qui prévoient que les autorités de régulation nationale identifient celui ou ceux des opérateurs qui exerceraient une influence significative sur certains marchés de produits ou de services dont la liste est arrêtée de manière uniforme pour l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Cet examen et l’adoption des mesures correctrices aux préoccupations de concurrence, qui peuvent être identifiées à cette occasion (les « remèdes »), font partie de ce qui est désigné par « régulation ex ante » en droit sectoriel des communications électroniques.
L’objectif poursuivi par cette régulation « ex ante » est d’anticiper les problèmes de concurrence qui pourraient apparaître, sans attendre leur survenance et sans avoir besoin, en conséquence, de recourir, a posteriori, aux pouvoirs de sanction dont disposent les autorités de concurrence en cas de constatation de pratiques anticoncurrentielles (« régulation ex post » ).
Parmi les marchés soumis à cet examen « ex ante », figure le marché de gros des services de capacité de transport de données (marché dit « marché 6 »).
Ce marché a déjà fait l’objet de plusieurs cycles d’analyse par l’Autorité de régulation des postes et communications électroniques (Arcep).
Le dernier a été réalisé en 2010 et a fait l’objet d’une décision (1) désignant France Télécom comme étant l’opérateur exerçant une influence significative et imposant à ce dernier un certain nombre d’obligations destinées à constituer des remèdes aux préoccupations de concurrence identifiées.
La durée de validité des décisions prises consécutivement à ces analyses de marché est de trois ans maximum (2). La décision du 8 avril 2010 précitée aurait donc dû échoir en avril 2013. Toutefois, l’Arcep vient, pour la première fois, d’user d’un des nouveaux pouvoirs que l’ordonnance de transposition du troisième paquet télécom de 2009 lui a donné.
En effet, depuis le 24 août 2011, l’article D.301 précité autorise l’Arcep à prolonger, pour trois années supplémentaires au plus, la durée de validité des décisions d’analyse de marché.
Cette possibilité doit toutefois rester exceptionnelle, d’une part, et doit faire l’objet d‘une proposition motivée adressée à la Commission européenne, d’autre part. Cette dernière dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer sur cette proposition.
La logique soutenue par l’Arcep pour justifier sa proposition est que d’autres marchés doivent faire l’objet d’un réexamen au cours du premier semestre 2014 (marchés 4 et 5).
Or, ces marchés portent sur des offres dont l’Arcep considère qu’elles deviennent progressivement substituables avec celles couvertes par le marché 6, de sorte qu’un réexamen de ce dernier, qui ne serait pas coordonné avec celui des marchés 4 et 5, n’aurait pas beaucoup de sens.
Par ailleurs, une analyse de marché est une opération toujours lourde à mener, qui ne se justifie que si de nouvelles préoccupations de concurrence sont apparues, ce qui, à ce jour, ne serait pas le cas des marchés concernés.
Aussi, avant de saisir la Commission européenne, l’Arcep a-t-elle saisi l’Autorité de la concurrence pour avis sur son projet de décision, afin de s’assurer qu’il ne soulèverait pas de difficultés particulières au niveau national.
Par son avis rendu le 28 mars 2013 (3), l’Autorité de la concurrence indique être favorable à la démarche qui lui a été présentée par l’Arcep consistant à coordonner dans le temps les analyses des marchés 4,5 et 6.
Toutefois, l’Autorité de la concurrence en profite pour indiquer à l’Arcep qu’elle serait bien inspirée de profiter du temps supplémentaire qui lui est laissé pour s’intéresser à la situation concurrentielle existant sur les marchés de gros des services de capacités, notamment aux Antilles.
A suivre, donc…
Frédéric Forster
Lexing Droit Télécoms
(1) Arcep, Décision 2010-0402 du 8-4-2010
(2) CPCE, art. D.301
(3) Autorité de la concurrence, Avis 13-A-10 du 28-3-2013