Economie juridique
Jurisprudence
Peer to Peer: Mesurer le préjudice causé à la filière pour ensuite l’indemniser…
Quel est l’impact réel des réseaux P2P sur l’industrie de contenus?
L’impact réel des réseaux Peer-to-Peer est un sujet très controversé. Selon le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), les multiples études économiques sur le « taux de substitution » entre la vente de CD et les échanges de contenus en P2P sont peu satisfaisantes et parviennent à des conclusions contradictoires sur l’ampleur des pertes subies (1).
Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute que le recours à un logiciel de P2P est un moyen de se procurer des copies d’œuvres hors des modes normaux d’exploitation des œuvres que sont l’achat de supports physiques ou l’achat en ligne sur des sites légaux.
Or, la reproduction et la communication au public, sans autorisation des ayants droit, par de nouveaux procédés techniques s’apprécie comme « un manque à gagner » pour les ayants droit (producteurs, éditeurs, auteurs, artistes-interprètes etc.). Même si le montant du préjudice n’est pas quantifiable, il est difficilement contestable.
L’enjeu
Encadrer les formes de distribution des œuvres qui ne permettent pasd’assurer la rémunération de la création et de la production.
Le préjudice n’est pris en compte qu’à l’égard d’intérêts légitimes
La directive sur les droits d’auteur et les droits voisins du 22 mai 2001 (en cours de transposition en droit français) prévoit que les exceptions au droit d’auteur (notamment copie privée) ne sont licites que si elles ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et si elles ne causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur(2).
Le juge a le pouvoir de refuser le bénéfice de la restriction au cas par cas, en fonction de ce qu’il considère comme une atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre et du préjudice injustifié.
Les téléchargements réalisés par le P2P bénéficient-ils de l’exception pour copie privée ? Il y a trop peu de décisions rendues pour répondre à cette question. Le Tribunal de grande instance de Paris a pour sa part, écarté toute possibilité de copie privée pour les œuvres filmographiques commercialisées sur des supports numériques, en retenant que cette copie ne peut « que porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre »(3).
Quoi qu’il en soit, il y a un préjudice injustifié si l’auteur ou un autre titulaire de droit (éditeur) n’obtient aucune compensation. Une solution consisterait à s’orienter vers des licences légales. Une proposition de loi allant dans ce sens a été déposée cet été, à l’Assemblée nationale (AN n° 2474).
Les solutions
La proposition de loi prévoit de compléter les dispositions actuelles des articles L. 311-4 et L. 311-5 du Code de la propriété intellectuelle afin de tenir compte du cas spécifique des échanges entre particuliers à des fins non commerciales (Ass. Nat. n° 2474).
Notes
(1) Rapport du CSPLA sur le P2P disponible sur www.audionautes.net
(2) Art. 5.5 de la directive 2001/29
(3) TGI Paris, 30/04/2004
Paru dans la JTIT n°47/2005 p.7