Fichier de la DCRI – Dans un récent arrêt, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris qui avait enjoint au ministre de l’Intérieur, qui s’y refusait, de communiquer à un individu les données personnelles le concernant, issues du fichier de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur).
Dans cette affaire, une personne avait souhaité obtenir communication des données la concernant contenues dans les fichiers de police et de gendarmerie notamment le fichier de la DCRI. Or, pour ce type de traitements, qui intéressent la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d’accès à leurs données par les personnes concernées ne s’exerce pas auprès du responsable de traitement, mais selon une procédure bien définie comme suit :
– la demande doit être adressée à la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) qui désigne l’un de ses membres pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires ;
– il est notifié au requérant qu’il a été procédé aux vérifications ;
– lorsque la Cnil constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant.
Au terme de cette procédure, le requérant s’était vu informé par le président de la Cnil que les vérifications avaient été effectuées dans les fichiers de la police judiciaire et de la gendarmerie (en ce incluant donc le fichier de la DCRI), mais que ces vérifications ne permettaient pas de lui apporter de plus amples informations.
Le requérant a alors saisi le tribunal administratif aux fins de voir annuler la décision portant refus de lui communiquer les informations demandées. La juridiction saisie a fait droit à la demande du requérant, annulant la décision de refus et enjoignant au ministre de l’intérieur de communiquer les données demandées figurant notamment dans le fichier de la DCRI.
Le ministre de l’intérieur a donc formé un recours visant à annuler la décision du tribunal susvisée devant la Cour administrative d’appel de Paris remettant en cause :
– la compétence du tribunal administratif (arguant de ce que les décisions de la Cnil relèvent de la compétence du Conseil d’Etat et non du tribunal administratif)
– le bien-fondé du jugement attaqué.
Sur le premier argument, la Cour relève que l’indication fournie au demandeur par le président de la Cnil, selon laquelle il a été procédé aux vérifications nécessaires dans le fichier de la DCRI, ne peut être regardée comme l’exercice par la Cnil de l’une de ses compétences mais comme la simple notification d’une décision de refus d’accès prise par le ministre de l’intérieur. Aussi, cette décision est susceptible de recours devant le tribunal administratif et ce dernier était donc compétent pour rendre la décision de première instance.
Sur le second argument, la Cour rappelle que lorsqu’un traitement intéresse la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique, ce qui est le cas du fichier de la DCRI, il peut comprendre, d’une part, des informations dont la communication à l’intéressé serait susceptible de remettre en cause les fins assignées à ce traitement et, d’autre part, des informations dont la communication ne poserait pas de difficultés ; que, pour les premières, il incombe à la Cnil, saisie par la personne concernée, de l’informer qu’il a été procédé aux vérifications nécessaires ; que, pour les autres, il appartient au gestionnaire du traitement ou à la Cnil, saisis par cette personne, de lui en donner communication, avec, pour la Cnil, l’accord du gestionnaire du traitement.
En l’espèce, le tribunal administratif, dans un jugement avant-dire-droit, avait demandé au ministre de l’intérieur de lui communiquer les éléments relatifs aux informations concernant l’inscription du requérant dans le fichier de la DCRI ou, dans l’hypothèse où le ministre estimerait que la communication de ces informations mettrait en cause les fins assignées à ce fichier, et où il estimerait en conséquence devoir refuser leur communication, qu’il communique a minima les informations concernant la nature des pièces écartées de la communication et les raisons de cette exclusion.
Le ministre de l’intérieur n’a toutefois pas donné suite à cette demande, se bornant à justifier son refus en faisant valoir que le fichier de la DCRI était un « fichier de souveraineté » et qu’il pouvait par conséquent refuser de communiquer toute information comprise dans ce fichier, alors même que cette communication ne mettrait pas en cause la finalité de ce traitement, la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique.
La Cour en déduit que le ministre de l’intérieur, en s’abstenant de rechercher si certaines de ces informations n’auraient pu être communiquées sans qu’il soit porté atteinte aux fins assignées à ce fichier, à la sûreté de l’Etat, à la défense ou à la sécurité publique, a commis une erreur de droit. La Cour en conclut alors que le ministre de l’intérieur n’est pas fondé à considérer que c’est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé son refus de communiquer à l’intéressé les informations le concernant figurant au fichier de la DCRI.
Toutefois, la Cour n’enjoint pas la communication de ses données au requérant pour autant. En effet, elle relève que le motif d’annulation de la décision attaquée, tiré d’une erreur de droit, n’implique pas nécessairement qu’il soit fait droit à la demande de l’intéressé mais seulement que le ministre réexamine cette demande. La cour enjoint donc au ministre de l’intérieur non pas de communiquer les données mais de se prononcer à nouveau sur la demande du requérant d’accéder aux informations le concernant contenues dans le fichier de la DCRI, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt.
Céline Avignon
Alain Bensoussan Avocats
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