L’« IP tracking » est une pratique consistant pour un site internet à « retenir le nombre de connexions d’un internaute [à son site] via la même adresse IP puis à faire monter artificiellement les prix d’un bien en fonction de l’intérêt démontré par plusieurs recherches similaires » (1).
Or, cette pratique de l’IP tracking soulève des problématiques en matière de protection des données à caractère personnel, mais également en matière de pratiques commerciales déloyales.
C’est pourquoi la Cnil et la DGCCRF ont mené une enquête conjointe sur le sujet et ont procédé au contrôle de plusieurs sites de sociétés françaises de e-commerce sur ces pratiques de modulation des prix de vente, notamment en matière de transport.
Les résultats de cette enquête « IP tracking » viennent d’être rendus publics et montrent que de nombreuses techniques de modulation des prix sont largement utilisées par les e-commerçants.
Ainsi, l’étude réalisée a permis d’observer que, sur certains sites de transports, les prix étaient modulés en fonction de la date d’achat du billet et du taux de remplissage (pratique dite de « Yield management » fondée sur le nombre de places offertes ou restant dans l’avion ou le train concerné). Sur d’autres sites, les frais de dossier étaient modulés en fonction de l’heure de la réservation (selon un système d’heures « pleines » et d’heures « creuses »). Toutefois, les résultats de l’étude montrent qu’aucune technique d’IP tracking n’était mise en œuvre en tant que telle sur les sites vérifiés pour la mise en œuvre de ces pratiques.
D’autres investigations ont été réalisées auprès de sociétés de vente à distance et de leurs prestataires techniques dans le domaine du marketing comportemental (sur les pratiques de « retargeting » ou encore de « real time bidding » notamment). Là encore, aucune utilisation de l’adresse IP de l’internaute afin de moduler les prix n’a été relevée.
Une pratique a toutefois été mise en évidence, visant à modifier le prix proposé en fonction du site internet précédemment consulté par l’internaute. Dans cette hypothèse, les résultats de l’enquête montrent qu’un internaute passé au préalable par un comparateur de prix par exemple peut se voir offrir un prix d’appel plus attractif, mais que celui-ci sera alors majoré de divers frais « opaques » qui, au final, rendront le prix total quasi-identique à celui pouvant être visualisé par un internaute qui ne serait pas passé par ce comparateur. S’il ne s’agit pas nécessairement d’IP tracking à proprement parler, cette pratique est tout de même actuellement en cours d’examen par la Cnil et la DGCCRF.
En tout état de cause, l’enquête sur la pratique de l’IP tracking ne devrait pas en rester là puisque la Commission des affaires juridiques du Parlement européen a demandé à la Commission européenne, le 27 novembre dernier, d’enquêter sur la fréquence de cette pratique qui, selon elle, « génère une concurrence déloyale et […] constitue un détournement des données personnelles des utilisateurs ». Les résultats de cette enquête « IP tracking » au niveau européen sont particulièrement attendus par les e-commerçants qui devront en tenir compte dans le cadre de leurs pratiques de modulation des prix online.
Céline Avignon
Mathilde Alzamora
Lexing Droit Marketing électronique
(1) D’après la définition donnée par la Commission des affaires juridiques du Parlement européen dans son avis à l’intention de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs sur l’application de la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales, 27-11-2013.