Délivrance conforme – La Cour de cassation réaffirme le principe selon lequel, l’obligation de délivrance conforme de produits complexes est remplie dès lors que la mise au point effective de la chose a été réalisée (1).
Le 28 mai 1999, la société C a conclu avec la société S un contrat de prestation de services internet et une convention de location financière de matériels et de logiciels. La convention a, par la suite, été cédée par la société S à la société L.
Dès l’apparition de difficultés relatives au fonctionnement du site internet et après s’être plainte auprès de la société S, la société C a cessé de régler les redevances de location afférentes à la convention, puis a assigné les sociétés S et L en annulation des deux contrats pour défaut de cause réelle et sérieuse. Subsidiairement, elle a sollicité la résolution du contrat de prestations de services et la résiliation de la convention de location financière.
La Cour d’appel de Bourges a fait droit à ses demandes et a prononcé la résolution du contrat de prestation de services puis condamné la société S au paiement de dommages-intérêts.
Estimant qu’en ne recherchant pas si la société C n’avait pas reconnu, après la démonstration du site, lors de la signature du procès-verbal de réception, être parfaitement informée des modalités d’utilisation du site de sorte qu’elle était en mesure de déceler les défauts affectant ce dernier lors de la réception, la cour d’appel avait violé les articles 1147 et 1184 du Code civil, la société S s’est donc pourvu en cassation.
La Cour de cassation a considéré que la cour d’appel avait, à bon droit, retenu que l’obligation de délivrance conforme de produits complexes n’est pleinement exécutée qu’une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue.
En considérant que la signature, par le client, d’un procès-verbal de recette sans réserves ne suffit pas à prouver le respect par le fournisseur de produits complexes de son obligation de délivrance, la jurisprudence renforce les conséquences de l’obligation de délivrance conforme pesant sur le prestataire.
En réalité, le juge effectue une appréciation différente entre la réception, qui sanctionne la délivrance conforme du produit et celle qui sanctionne la seule livraison du support matériel de ce même produit.
En effet, si le procès-verbal sans réserve peut effectivement valoir preuve du respect de l’obligation de délivrance conforme concernant le matériel qui y est visé, dans le cadre de la vérification de conformité du produit complexe lui-même, une distinction s’impose.
Pour la livraison du produit complexe, il faut donc distinguer le procès-verbal de recette au stade de la vérification d’aptitude et celui intervenant au stade de la vérification de service régulier.
Or, c’est la vérification de service régulier, à savoir la vérification que le produit livré est opérationnel avec le reste de l’environnement dans une hypothèse de fonctionnement en réel, qui permet effectivement de vérifier le respect ou non de l’obligation de délivrance par le prestataire.
Dans le cas présent, la notion de « mise au point » utilisé par la Cour de cassation recouvrirait en conséquence cette phase de vérification en service régulier qui n’a manifestement pas été satisfaisante.
L’obligation de « mise au point effective » de la chose vendue permettant d’apprécier le respect de l’obligation de délivrance s’appréciant lors de la phase de « mise au point », il importe que le prestataire reste mobilisé post livraison pour ne pas engager sa responsabilité.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
Lexing Contentieux informatique
(1) Cass. com., 26-11-2013 n°12-25191. A rapprocher de Cass. com. 11-7-2006, n°04-17093.