Messagerie professionnelle – A partir de sa messagerie professionnelle, un salarié adresse au fil du temps à sa collègue pas moins de 178 méls contenant des mini-vidéos téléchargées contenant des dessins animés et des scènes de sexe ou à caractère humoristique, politique, sur le football féminin.
En l’espèce, on relèvera que le règlement intérieur de l’entreprise prohibe « l’utilisation du réseau informatique à d’autre fins que le travail ».
Dès lors, l’employeur fait procéder à un constat d’huissier régulier sur la messagerie professionnelle de la collègue destinataire. Puis, il notifie au salarié envoyeur des mèls en question, son licenciement pour faute grave et « relative à l’utilisation intempestive d’internet ». Ce dernier saisi la juridiction prud’homale, puis l’employeur interjette appel de la décision.
Que peut-on penser de l’envoi de 178 méls à caractère non professionnel ? Est-ce que cela peut justifier un licenciement pour faute grave ?La Cour d’appel juge le licenciement injustifié et conclut que le comportement du salarié n’était pas constitutif d’une faute grave ni même d’une faute simple après avoir pourtant relevé qu’il était contraire au règlement intérieur, mais également aux obligations contractuelles du salarié censé consacrer son temps de travail à l’accomplissement de sa mission (1).
L’affaire arrive devant la Cour de Cassation qui en décembre 2013 (2) sanctionne l’arrêt de la cour d’appel laquelle avait pourtant permis au salarié de contester la faute grave en reconnaissant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au visa des articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail, la Cour de Cassation constate le non-respect du salarié de ses obligations contractuelles de travail et du règlement intérieur prohibant l’usage de l’informatique à des fins extra-professionnelles.
Elle considère que l’employeur n’a pas à démontrer que l’usage fait d’internet porte préjudice au fonctionnement de l’entreprise. La cour casse donc l’arrêt d’appel et renvoie les parties devant la Cour d’appel de Dijon à qui il appartiendra de dire si le licenciement est justifié.
Si on peut saluer l’existence d’un règlement informatique ou d’une charte informatique sur l’utilisation des systèmes d’information et de communication, ceci peut néanmoins paraître très restrictif.
En effet, il est d’usage, prôné notamment par l’inspection du travail et la Cnil, de prévoir dans ces documents de régulation interne, une place à la vie privée résiduelle dans l’usage de la messagerie professionnelle électronique et d’internet dans l’entreprise.
Par petites touches la jurisprudence sociale redessine le périmètre des modalités d’utilisation des technologies de l’information et de la communication. La place de la vie privée résiduelle dans l’usage de la messagerie professionnelle électronique et d’internet dans l’entreprise voit ces frontières de plus en plus contrôlés.
Aujourd’hui, il convient de prendre un soin particulier à la rédaction précise et minutieuse des règles du jeu (Règlement intérieur, chartes d’utilisation du système d’information et de communication et autres documents de régulation interne) car ces documents sont d’interprétation stricte.
Polyanna Bigle
Lexing Droit Sécurité des systèmes d’information
Emmanuel Walle
Lexing Droit Travail numérique
(1) CA Besançon, 21-2-2012.
(2) Cass. soc. 18 12 2013 pourvoi n°12-17832.