Indemnisation. La loi renforçant la lutte contre la contrefaçon, entrée en vigueur le 20 mars 2014, complète les dispositions relatives à l’indemnisation des préjudices introduites par la loi du 29 octobre 2007 et inscrites au Code de la propriété intellectuelle (1). Pour chiffrer les dommages et intérêts de la victime d’une contrefaçon, la juridiction saisie doit à présent prendre en considération « distinctement » :
- les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner et la perte subis par la victime
- le préjudice moral de la victime,
- les bénéfices du contrefacteur, « y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ».
La loi modifiant les dispositions relatives à l’indemnisation précise que les conséquences économiques négatives peuvent comprendre les « pertes subies », alors que seul le « manque à gagner » était mentionné auparavant. Aucun de ces deux termes n’est défini par la loi modifiant les dispositions relatives à l’indemnisation, mais la jurisprudence considère le manque à gagner comme un gain supplémentaire non réalisé, alors que la « perte » consiste en une diminution des gains, ou une augmentation des dépenses, par rapport à la situation qu’aurait connu la victime si le dommage ne s’était pas produit.
Dans les deux cas, l’effet de la contrefaçon se matérialise par une diminution de la marge bénéficiaire par rapport à la situation de référence, qui est toujours très difficile à apprécier. La jurisprudence prenait déjà en considération les pertes subies, lorsque la victime en invoquait.
Dans la loi modifiant les dispositions relatives à l’indemnisation, la notion de « bénéfices du contrefacteur » est élargie aux diverses économies d’investissements réalisées par le contrefacteur. Dans la mesure où une économie d’investissements augmente mathématiquement les bénéfices réalisés, il n’est pas certain que cette précision soit utile en pratique. La loi indique que ceux-ci doivent à présent être pris en considération « distinctement » mais elle ne précise pas si les bénéfices du contrefacteur doivent être ajoutés aux conséquences économiques négatives subies par la victime pour chiffrer les dommages et intérêts, ce qui conduirait à dépasser la réparation intégrale du préjudice.
La réparation forfaitaire, qui peut être accordée, à titre d’alternative et sur demande de la victime, doit à présent être supérieure au montant des redevances qui auraient été dues si une autorisation d’utiliser le droit avait été accordée par la victime. Auparavant, cette somme forfaitaire ne pouvait être inférieure aux redevances non perçues, c’est-à-dire qu’elle pouvait être supérieure ou égale à celles-ci. Dans la loi modifiant les dispositions relatives à l’indemnisation, elle doit maintenant être strictement supérieure à celles-ci, ce qui correspond concrètement à une augmentation de la réparation d’un montant d’un euro (ou d’un centime d’euro ?). Mais aucune précision n’est apportée sur le mode de calcul des redevances non perçues, par définition difficile à déterminer puisque le contrefacteur n’a en général demandé aucune autorisation…
Le préjudice moral peut à présent être indemnisé en plus de cette somme forfaitaire, ce qui n’était pas le cas auparavant. La réparation forfaitaire n’était accordée que dans de rares décisions (moins de 4% de celles-ci).
Bertrand Thoré
Lexing Economie juridique
(1) CPI, art. L331-1-3, L521-7, L615-7, L623-28, L716-14, L722-6