Preuve. Une mesure d’instruction peut être ordonnée contre une partie afin d’obtenir une preuve nécessaire dans le cadre d’un procès futur intenté contre une autre partie. Par arrêt du 27 février 2014, la Cour de cassation précise les conditions d’application de l’article 145 du Code de procédure civile.
Les sociétés X et Y ont conclu des pactes d’actionnaires à l’issue desquels ces dernières devaient devenir actionnaires de la société Z dirigée par l’un des dirigeants de l’une de ces sociétés.
Estimant que la société Y avait violé ces pactes, la société X a saisi le Président du tribunal de commerce de plusieurs requêtes fondées sur l’article 145 du Code de procédure civile afin d’autoriser un huissier à se rendre dans les locaux de la société Z, tiers aux pactes.
La Cour d’appel de Paris a rétracté la requête et annulé les opérations de saisie, celle-ci considérant que la requête ne visait aucune finalité probatoire à l’appui des mesures sollicitées dans la perspective d’un procès futur éventuel à l’encontre de la société Y.
Au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel au motif que cet article autorise que des mesures légalement admissibles soient ordonnées s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, sans pour autant qu’il faille que la personne qui supporte la mesure (en l’espèce, la société Z) soit le défendeur potentiel au futur procès (en l’espèce, la société Y).
En précisant ses conditions d’application, la Cour de cassation a fait une application stricte de l’article 145 du Code de procédure civile. L’article 145 du Code de procédure civile est un des articles les plus souples en matière procédurale en ce sens que ses conditions de mise en œuvre sont très limitées.
En effet, la seule véritable condition pour recourir à une mesure d’instruction in futurum réside dans la preuve qu’un procès pourrait intervenir ultérieurement (via l’utilisation du terme « avant tout procès »).
Le texte de la loi ne précise cependant pas si, dans le cadre d’une requête fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile (qui est donc non contradictoire), il est nécessaire que la mesure d’instruction à intervenir soit diligentée à l’encontre de la personne même qui pourrait être le défendeur lorsque le procès au fond sera intenté.
La Cour d’appel, qui avait interprété l’article 145 du Code de procédure civile en ce sens, a vu sa décision cassée par la Cour de cassation. En statuant comme elle l’a fait, la Cour de cassation a entendu rappeler qu’aucune condition de mise en œuvre de l’article 145 du Code de procédure civile, autre que l’éventualité d’un procès à venir, ne trouvait à s’appliquer et, en conséquence, que le fait qu’une mesure d’instruction puisse être prise à l’encontre d’une partie qui n’aura pas vocation à être le défendeur du procès au fond est sans incidence sur la légitimité de la mesure.
Afin d’éviter tout risque de rétractation de l’ordonnance ayant prononcé la mesure d’instruction et donc la destruction des éléments recueillis à cette occasion, il est recommandé, avant toute demande fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile, de se ménager la preuve du motif légitime justifiant la mise en œuvre d’une telle mesure.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
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