Par arrêt du 27 février 2014, la Cour de cassation a précisé la mise en œuvre de l’article 271 du Code de procédure civile. Dans le cadre d’un litige opposant la société X à ses anciens salariés, le Tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné une mesure d’expertise afin d’évaluer le montant des préjudices additionnels subis par ces derniers.
Pour ce faire, il a mis à la charge des demandeurs la consignation d’une provision, au titre de l’avance des frais de l’expertise, dans un délai imparti.
A l’issue des opérations d’expertise, la société X a été condamnée à indemniser ses anciens salariés. Estimant que le rapport d’expertise était caduc au motif que le délai fixé par le tribunal pour procéder à la consignation de la provision n’avait pas été respecté par les demandeurs, la société X a interjeté appel de ce jugement.
Dans un arrêt du 22 septembre 2005, la Cour d’appel de Versailles a confirmé le jugement dans toutes ses dispositions, y compris celle ordonnant la mesure d’expertise, au motif, notamment, que la provision avait été effectivement versée et qu’ayant participé à la mesure d’expertise, la société X avait, dès lors, renoncé à se prévaloir de la caducité de la désignation de l’expert.
Considérant, notamment, que seul un motif légitime pouvait justifier l’absence de défaut de consignation dans le délai imparti, et qu’en l’absence de démonstration d’un tel motif, la désignation de l’expert était devenue caduque, la société X s’est donc pourvue en cassation. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société X au motif, notamment, que la caducité de la désignation de l’expert ayant pour objet de sanctionner le défaut de paiement, sans motif légitime, de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, les requérants n’étaient plus recevables à s’en prévaloir dès lors qu’ils s’étaient acquittés de cette provision et que les opérations d’expertises avaient débuté.
En statuant comme elle l’a fait, la Cour de cassation confirme que la caducité de l’article 271 du Code de procédure civile, encourue à défaut de consignation dans le délai imparti, n’est pas de plein droit. S’il instaure la sanction de la caducité pour non versement de la provision initiale dans les délais, l’article 271 du Code de procédure civile ne précise pas que cette sanction est de droit.
L’enjeu de la Cour de cassation est donc d’éviter qu’une partie puisse s’exonérer, à tout moment et plus particulièrement en fin d’expertise, des opérations d’expertise et du rapport final qui ne lui conviendraient pas.
De même que par décision du 29 juin 1994, la Cour de cassation a jugé que la caducité de l’article 271 du Code de procédure civile ne pouvait être invoquée par la partie à la charge de laquelle avait été mise l’obligation de consigner, elle indique, aujourd’hui, que la sanction de la caducité ne peut être invoquée par une partie ayant participé aux opérations d’expertise une fois que le rapport d’expertise a été rendu, et ce, d’autant plus que finalement la consignation a été versée.
L’objectif de la Cour de cassation semble donc d’éviter que la sanction de la caducité soit détournée de son objectif initial (empêcher qu’une expertise ne soit engagée sans que les frais ne soient couverts) pour tenter de constituer soit un moyen pour les parties d’éviter d’assumer leur responsabilité telle que mise en exergue par le rapport d’expertise, soit un moyen de s’opposer à une expertise judiciaire pourtant ordonnée.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
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