Brevet – L’internet des Objets repose sur la communication des objets avec le web et entre eux, autour du concept de machine communicante ou M to M (machine to machine), dans la perspective que les objets et les machines deviennent intelligents.
On peut multiplier les exemples à l’envi : capteurs intelligents capables d’alerter sur l’état de la circulation ou le niveau de la pollution atmosphériques reliés aux logiciels embarqués réglant la vitesse d’un véhicule automobile, gestionnaires des sources d’énergie, maisons intelligentes réagissant aux données météorologiques, etc.
L’IdO a ainsi vocation à donner naissance à de nombreuses et importantes innovations techniques. Les enjeux économiques en cause commandent de s’interroger sur la faisabilité, et l’opportunité, de leur protection par le brevet.
Une terre de prédilection pour la protection par le brevet – L’IdO est nativement une terre de prédilection pour les brevets d’invention.
Dans un monde qui reste à créer, les recherches ne manquent d’aboutir à des innovations techniques qui, sans être nécessairement révolutionnaires, peuvent certainement prétendre aux caractères de nouveauté et d’activité inventive qui les rendent éligibles à une protection par le brevet.
Ainsi, l’équipementier télécom et fabricant de téléphones portables ZTE, qui revendique le premier rang mondial en matière de dépôts de brevets, aurait déposé en 2011 2826 demandes de brevets dont 60% sont liées aux technologies 3G / LTE, au cloud computing et à l’Internet des objets (1).
Quant aux obstacles (en réalité non insurmontables) traditionnellement soulevés à propos des logiciels pour faire échec à leur brevetabilité, ils sont ici levés.
Lien entre le monde virtuel et le monde physique, l’IdO se caractérise par la réalisation et la mise en œuvre de techniques permettant d’agir sur des objets ou entités physiques.
On sait que les logiciels « en tant que tels » sont exclus de la brevetabilité par les lois nationales et internationales, mais que sont en revanche brevetables les inventions de logiciel qui, selon la formule consacrée, produisent un « effet technique supplémentaires ».
Dans le cas de l’internet des objets, les inventions comprendront couramment, au moins pour certaines de leurs étapes, des actions sur des objets matériels ou des entités physiques, ce qui devrait leur ouvrir largement la voie de la brevetabilité.
Pour autant, le brevet, droit de la propriété privative et exclusive, est-il la voie à privilégier dans une démarche axée sur un principe de communication universelle ?
Une normalisation des techniques – Le débat n’est pas nouveau à propos du web. Le brevet y a souvent été perçu comme un obstacle aux évolutions techniques et à la liberté de communication devant présider aux échanges sur le web.
Il est évidemment trop tôt pour prédire quelles seront les orientations du droit en la matière, et si, à l’instar des logiciels, l’internet des objets pourrait se voir exclu de la brevetabilité.
Cependant, il peut d’ores et déjà être signalé que « la nécessaire normalisation des technologies de l’IdO » fait partie des 14 lignes d’action ont été retenues par la Commission au parlement européen dans sa publication, le 18 juin 2009, d’une communication au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions intitulée précisément « Internet des objets – Un plan d’action pour l’Europe ».
Si la normalisation des techniques n’est pas antinomique de la brevetabilité de certaines d’entre elles, elle en réduit le champ : les techniques normalisées, notamment les protocoles de communication, sont publiques et partagées.
Ainsi, l’Oasis (Organization for the Advancement of Structured Information Standards), un consortium mondial qui travaille sur la standardisation des formats de fichiers ouverts basés notamment sur XML, a déclaré en avril dernier avoir choisi le MQTT (Message Queuing Telemetry Transport) comme protocole de messagerie pour l’Internet des Objets (2).
Il est permis d’anticiper qu’avec l’IdO, la guerre des brevets continuera de faire fera rage !
Laurence Tellier-Loniewski
Lexing Droit Propriété intellectuelle
(1) Christian D., « ZTE leader mondial des dépôts de brevets, 4e pour les smartphones« , post du 8 mars 2012.
(2) Jean Elyan avec IDG NS, « MQTT, futur protocole de l’Internet des Objets« , post du 29 avril 2013.