Bitcoin et monnaie virtuelle – A la suite du compte-rendu de la Commission des Finances du Sénat relatif aux enjeux liés au développement de la monnaie virtuelle de type bitcoin début 2014 (1), voici que Tracfin et en particulier le groupe de travail « Monnaies virtuelles » mis en place sous son impulsion, a rendu un rapport en juin 2014 intitulé « L’encadrement des monnaies virtuelles ».
Rapport Tracfin – Ce rapport a été remis à M. Michel Sapin, Ministre des finances et des comptes publics, alors même d’un cadre réglementaire est appelé de ses vœux.
Ce groupe de travail réunit les grandes directions de l’Etat ainsi que les autorités du domaine concerné à savoir : la direction générale du trésor (DGT), la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), la direction générale des finances publiques (DGFIP), la direction générale de la concurrence, consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), la direction générale de la gendarmerie (DGGN), l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), la Banque de France ainsi que des services représentant le ministère de la Défense et le ministère de l’Intérieur.
Position du Gouvernement – Si le ministre, dans une interview du 11 juillet dernier, estime que « les monnaies virtuelles sont une réalité dont les montants ne sont pas susceptibles de déstabiliser le système financier », ce dernier précise qu’elles offrent « une alternative aux consommateurs, une autre philosophie de l’échange, moins institutionnel » et reconnait la capacité d’innovation qu’il faut promouvoir.
Cependant et malgré une position plutôt ouverte quant aux monnaies virtuelles, le ministre appelle à la régulation du système. A ce titre, le rapport Tracfin offre plusieurs pistes.
Caractéristiques des monnaies virtuelles – Tout d’abord, ce rapport rappelle les trois caractéristiques des monnaies virtuelles comme le Bitcoin et ses dérivés :
- intervention d’acteurs non régulés : les monnaies virtuelles ne bénéficient ni d’un statut légal ni d’un cadre légal, elles n’offrent pas de garantie de prix ni de liquidité et sont soumises à un fort risque de volatilité et de liquidité ;
- manque de transparence : aucune formalité particulière n’est nécessaire pour ouvrir un portefeuille de monnaie virtuelle ou un compte en monnaie virtuelle, les prestataires de service de paiement n’étant tenus à aucune obligation légale ; de plus, si la plupart des transactions effectuées avec des monnaies virtuelles sont bien enregistrées dans un registre public, il n’en reste pas moins qu’elles demeurent anonymes ;
- extraterritorialité : les acteurs et les serveurs peuvent se trouver partout dans le monde et notamment dans des pays avec lesquels une coopération n’est pas évidente.
Risques liés à l’usage des monnaies virtuelles – Ce rapport rappelle ensuite les risques liés aux trois usages majeurs de la monnaie virtuelle à savoir, le règlement des transactions, le transfert de fonds et l’investissement dans des supports d’investissements :
- l’opacité des transactions ;
- l’absence de garantie de la volatilité du cours ;
- l’absence de dispositif de protection du consommateur ;
- la monnaie virtuelle comme vecteur de fraude et de blanchiment des capitaux.
Certes, l’emploi du Bitcoin permettrait de diviser considérablement les coûts des transferts de fonds, mais la question du coût doit être considérée au regard du niveau de sécurité offert.
Par ailleurs, le rapport mentionne une tendance à venir qui se matérialiserait par une offre de crédit en monnaie virtuelle.
Pistes de réglementation – Le rapport Tracfin préconise trois volets de réglementation des monnaies virtuelles :
- « le volet encadrement de l’utilisation :
– limiter et plafonner l’utilisation des monnaies virtuelles en tant que méthode de paiement ;
– limiter et contrôler les flux espèces/ monnaies virtuelles : notamment dans le cadre de l’utilisation de bornes d’échange bitcoin ou de distributeurs bitcoin, en définissant des plafonds de montant et en assortissant ces opérations d’un contrôle d’identité par une méthode fiable ;
– limiter l’anonymat des utilisateurs de monnaie virtuelle ;
- le volet régulation et coopération :
– adapter le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme aux risques posés par les monnaies virtuelles et les activités les utilisant ;
– harmoniser la régulation au niveau européen et international ;
– améliorer la connaissance du secteur et le suivi des risques en rappelant par exemple, les dispositions de l’article L. 561-1 du code monétaire et financier aux personnes proposant à la vente des monnaies virtuelles ou opérant des distributeurs bitcoin ;
- le volet connaissance et investigation :
– disposer de ressources et d’outils d’analyse adaptés ;
– effectuer un suivi des risques et des opportunités, notamment par des échéances avec les professionnels du secteur. »
Si le groupe de travail semble préconiser une réglementation plutôt stricte, il semble que le gouvernement aborde de manière plus souple la future réglementation, qu’il souhaite communautaire, afin qu’elle suive les innovations technologiques.
Instruction fiscale – Malgré cette position plus tempérée, il n’en reste pas moins qu’une instruction fiscale en date du 11 juillet dernier a été prise afin de taxer les monnaies virtuelles et en particulier les Bitcoins au titre des bénéfices non commerciaux. Dans le cas d’achat et de revente à titre habituel de Bitcoins, cette activité doit désormais être déclarée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Pour un cadre réglementaire plus large, de nombreux espoirs sont fondés sur la publication de la directive européenne anti-blanchiment à la fin de l’année.
Reste à voir si cette future directive européenne proposera un cadre adapté et spécifique aux monnaies virtuelles.
Lexing Alain Bensoussan Avocats
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(1) Voir notre Post du 18-03-2014.