Le droit du travail numérique comprend l’ensemble des impacts des technologies avancées dans le monde du travail. Ici il s’agit de la vidéosurveillance dans un lieu privé celui d’une entreprise. A quelles conditions un enregistrement de vidéosurveillance dans l’entreprise est-il licite ?
Un arrêt en date du 13 juin 2014 rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (1) rappelle deux obligations de l’employeur en la matière :
- informer les salariés de leur droit d’accéder aux enregistrements ;
- détruire les enregistrements au terme de la durée de conservation déclarée à la Cnil.
En l’espèce, un salarié licencié pour un vol sur son lieu de travail contestait la licéité des enregistrements vidéo versés au débat par l’employeur et demandait réparation du préjudice causé par cette faute contractuelle.
Selon le salarié, l’affichage dans les locaux de l’entreprise de la mention « surveillance vidéo 24/24h décret 96-926 du 17 octobre 1996 » était insuffisante en ce qu’elle n’informait pas le salarié de son droit d’accès prévu par la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (2).
De plus, le salarié soutenait que l’employeur avait conservé les enregistrements pendant une durée excessive. Ce dernier avait attendu plus d’un an avant de faire constater leur contenu par un huissier, alors que la déclaration Cnil mentionnait une durée de conservation maximale de 30 jours.
Par son arrêt du 13 juin 2014, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence fait droit à ces demandes, prononce l’irrecevabilité en justice des enregistrements de vidéosurveillance et condamne l’entreprise à verser 2 000 euros de dommages-intérêts au salarié.
De manière générale, six conditions doivent être respectées pour qu’un dispositif de vidéosurveillance en entreprise soit licite :
- un risque particulier. Le dispositif de vidéosurveillance doit en premier lieu être justifié par un risque particulier tel que la sécurité des personnes, la surveillance de marchandises, la conservation d’argent en liquide ou d’objets de valeur ;
- un emplacement adéquat. Le dispositif de vidéosurveillance doit être positionné de telle manière à ne pas porter une atteinte excessive à la vie privée et aux libertés individuelles et collectives du personnel. Si l’employeur peut légitimement filmer des lieux de circulations (accès, couloirs, halls, etc…), il lui est revanche interdit de placer des caméras dans des vestiaires, les toilettes, les salles de repos, les bureaux ou les locaux syndicaux par exemple ;
- une consultation des représentants du personnel. S’il a pour finalité de filmer des locaux professionnels, le dispositif de vidéosurveillance doit faire l’objet d’une information et d’une consultation des institutions représentatives du personnel avant d’être mis en place. Cette démarche n’a pas été jugée obligatoire si les caméras ont une autre finalité que celle de contrôler le personnel, par exemple si elles visent un guichet d’accueil dans une galerie marchande, l’entrée d’un magasin ouvert au public ou un lieu normalement inaccessible aux salariés (3) ;
- une déclaration préalable à la Cnil. L’entreprise doit également veiller à déclarer à la Cnil ce dispositif de vidéosurveillance ;
- une information complète. Les personnes filmées doivent être informées par un panneau de l’existence d’une caméra, de sa finalité, de leur droit d’accéder aux enregistrements et des coordonnées du responsable ;
- une conservation limitée dans le temps et sécurisée. L’entreprise doit enfin veiller à conserver les enregistrements pendant une période de temps limitée et proportionnée à la finalité du dispositif, dans des conditions de sécurité satisfaisantes (local de visionnage fermé à clé, accès réservé aux personnes habilitées, protection du réseau informatique).
Dès lors que ces conditions sont respectées, l’entreprise est en droit de se prévaloir d’un enregistrement de vidéosurveillance en justice.
Conseils. Avant de produire un enregistrement de vidéosurveillance dans un procès, il convient de vérifier que le dispositif de vidéosurveillance répond aux dispositions légales et notamment que :
- le personnel a été informé par un affichage lisible de la finalité du traitement, de son droit d’accéder aux enregistrements de vidéosurveillance et des cordonnées du responsable ;
- les enregistrements n’ont pas été détruits à l’expiration du délai de conservation déclaré à la Cnil.
Emmanuel Walle,
Etienne Margot-Duclot,
Lexing Droit Travail numérique
(1) CA Aix-en-Provence 13-06-2014, SAS Logidis Comptoirs Modernes c/ D.
(2) Cf. Guide Cnil sur le droit d’accès.
(3) Cass. soc. 26-6-2013 n°12-16564.