Le projet de loi relatif au renseignement, déposé au Parlement, a été présenté au Conseil des ministres du 19 mars 2015 et sera examiné en procédure accélérée à l’Assemblée nationale en séance publique à partir du 13 avril 2015.
Ce projet de loi définit pour la première fois un cadre légal unifié pour l’ensemble des activités de renseignement lesquels seront autorisées à recourir à des techniques d’accès à l’information.
Toutefois, malgré que ce projet de loi vise à donner pour la première fois en France un cadre légal unifié aux activités de renseignement, ce projet de loi dans sa rédaction actuelle prévoit que l’ensemble des techniques de renseignement sont mis en œuvre en l’absence total de contrôle de l’autorité judiciaire.
Ce projet n’est pas présenté comme un « Patriot Act » à la française au motif notamment que le premier article du projet de loi sur le renseignement garantit le respect de la vie privé.
Il ne viendrait à l’idée de personne de contester que la recherche du renseignement constitue un impératif majeur pour la sécurité de la France, de sa population et de son territoire. Toutefois, ce projet de loi exclu expressément tout recours direct auprès du Conseil d’Etat puisque tout recours devra être précédé d’une réclamation préalable devant la CNCTR. Les différents motifs légaux autorisant le recours aux différentes techniques de renseignement ainsi qu’à la mise en place de dispositions exceptionnelles pourrait bien ouvrir la voie à une surveillance massive et généralisée de la population et sans limites.
Dans un rapport d’information déposé en 2013 sur le cadre juridique applicable aux services de renseignement, les députés Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère avaient recensé les lacunes de notre droit et démontré la nécessité urgente d’y remédier dans cette phrase: « Alors qu’il compte parmi les plus anciennes des nations démocratiques, notre pays est également le dernier à ne pas avoir établi un cadre normatif adapté ».
Ce projet qui consacre le renseignement en tant que politique publique, donne pour la première fois en France un cadre légal applicable aux techniques de recueil du renseignement. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale avait dès 2013, rappelé que la « fonction de connaissance et d’anticipation » était un élément fondamental de la stratégie de sécurité nationale et la « condition de décisions libres et souveraines ». D’autres pays n’ont pas attendus pour définir un cadre légal. L’instauration d’un cadre juridique pour les services de renseignement britanniques trouve ses origines dès 1989 avec le UK Security Service Act en réaction aux condamnations de la CEDH suivi par le Counter-Terrorism and Security Act de 2015.
Le contrôle des techniques de renseignement est confié à une autorité administrative indépendante ainsi qu’à une juridiction administrative spécialisée.
Le projet de loi comprend également d’autres dispositions relatives au renseignement concernant l’anonymat des agents de services spécialisés de renseignement, l’extension du droit de communication de Tracfin, les renseignements en milieu pénitentiaire.
Le décryptage de ce projet de loi est proposé selon six axes d’analyse, qui feront l’objet d’articles ultérieurs :
- Consécration d’une politique publique du renseignement ;
- Procédure d’autorisation des techniques de recueil de renseignement ;
- Création de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ;
- Recours relatifs à la mise en œuvre des techniques de renseignement ;
- Techniques de recueils du renseignement ;
- Dispositions diverses du projet de loi.
Le décryptage des dispositions du projet de loi prend en compte les avis de la Cnil et du Conseil d’Etat.
Didier Gazagne
Audrey Jouhanet
Lexing Droit Intelligence économique