La Cour de cassation des conditions permettant de solliciter une mesure d’instruction « in futurum » (avant tout procès) afin d’établir la preuve dont dépend la solution du litige.
Le réfère probatoire de l’article 145 du Code de procédure civile. Une commune a assigné un habitant pour voir fixer le droit d’occupation de l’un de ses terrains. Le tribunal de grande instance de Valence l’a reconnu comme occupant sans droit ni titre du terrain et l’a donc condamné à le libérer sous astreinte.
Il a fait appel de cette décision puis assigné la commune devant le juge des référés pour qu’une expertise soit ordonnée afin d’établir la somme correspondant aux travaux et embellissements effectués sur le terrain et se voir indemnisé des frais qu’il a engagés pour ce faire.
Par ordonnance du 4 avril 2013, le tribunal des référés a rejeté sa demande. L’ordonnance a, par la suite, été infirmée par la Cour d’appel de Grenoble. Estimant qu’elle s’était abstenue de répondre à ses conclusions, dans lesquelles elle faisait valoir que la demande de mesure d’instruction présentée par cet habitant en référé était irrecevable dès lors que le juge du fond était saisi du litige, la commune a formé un pourvoi en cassation pour violation de l’article 455 du Code de procédure civile. Cette dernière a rejeté le pourvoi au motif qu’une action en cours à la date de la saisine du juge des référés portant sur l’occupation d’un terrain ne faisait pas obstacle à une demande d’expertise sollicitée en vue d’une éventuelle indemnisation des travaux effectués sur ce terrain, dès lors que cette mesure n’était pas demandée en considération de l’action.
Une instance en cours ne fait pas obstacle en cas de demandes différentes. En statuant comme elle l’a fait, la Cour de cassation procède à une application stricte de la notion « avant tout procès » (1) figurant à l’article 145 du Code de procédure civile et ce faisant, vient confirmer sa décision du 20 mars 2014 (2).
La mise en œuvre d’une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile requiert, outre la preuve d’un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve dont dépend la solution du litige, l’absence d’instance engagée au fond. Il en résulte qu’une mesure d’instruction dite in futurum sollicitée sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile ne pourra être accueillie par le juge des référés que si le juge du fond n’est pas saisi du contentieux en vue duquel la mesure d’instruction in futurum est sollicitée.
Pour autant, en jugeant que l’action engagée au fond par la commune portait sur l’occupation d’un terrain alors que la mesure d’instruction sollicitée sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile portait sur une éventuelle indemnisation des travaux effectués sur le terrain, la Cour de cassation a considéré que l’existence d’une instance en cours ne faisait pas obstacle à la mise en œuvre d’une telle mesure d’instruction si les faits objet de celle-ci étaient différents (et donc portaient sur des demandes différentes).
Dans sa décision, la Cour de cassation précise également le moment d’appréciation de la condition d’absence d’instance au fond, soit au jour de la saisine du juge des référés (et non à la date à laquelle le juge statue), étant précisé que la mesure d’instruction sollicitée doit porter sur un objet différent que celui pour lequel l’instance au fond a été engagée, pour pouvoir être recevable au visa de l’article 145 du Code de procédure civile.
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
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(1) Cass. 2e civ., 19-2-2015, n°14-12280.
(2) Cass. 2e civ., 20-3-2014, n°12-29568.