Contrefaçon pour usage illégal du code Skype obtenu par décompilation

décompilationUne cour d’appel a rendu un arrêt condamnant le fondateur d’une start-up pour contrefaçon après que celui-ci ait permis l’accès au public d’une partie du code source du logiciel Skype obtenue par décompilation (1).

La décompilation est une technique de rétro-ingénierie permettant de reconstituer partiellement ou totalement, le code source d’un logiciel à partir d’un programme exécutable alors dans un format binaire.

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En juin 2010, le directeur de la sécurité des systèmes d’information de Skype apprend la décompilation du logiciel. Il met en garde le fondateur de la start-up contre une éventuelle utilisation illégale du code Skype. Malgré cet avertissement, le prévenu publie sur son blog un article intitulé « Skype’s Biggest Secret Revealed », soit « la révélation du plus grand secret de Skype ». Dans cet article, Il propose au public l’accès à l’algorithme Skype, via un simple lien hypertexte. Il explique que le code est « traduit en langage informatique C et pleinement réutilisable. Profitez en. ».

A la lecture du blog, la mise à disposition du code au public s’explique par trois justifications différentes :

  • 1) la volonté d’aider la communauté des experts en sécurité informatique à améliorer celle de Skype,
  • 2) la perspective d’une exploitation commerciale par le fondateur de la start-up des informations ainsi mises à disposition,
  • 3) la volonté de ne pas laisser à disposition des seuls hackers les travaux de décompilation qui ont fait l’objet d’une « fuite informatique » avant la publication sur le blog.

Dans son arrêt, la Cour d’appel de Caen constate l’originalité du fichier Skype objet des travaux de décompilation. Le code source concerné par l’opération de décompilation « SkyCryptVI.cpp » :

  • constitue un « ensemble d’instructions écrites dans un langage de programmation informatique évolué, reflet de spécifications fonctionnelles particulières » ;
  • il ne s’agit pas d’un simple algorithme ou une suite d’algorithmes dont la définition est préalable à la programmation.

La Cour d’appel rappelle que le monopole de l’auteur est limité par les exceptions légales d’ordre public énumérées à l’article L 122-6-1 du CPI.

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La Cour constate que l’opération de décompilation n’est pas en elle-même constitutive de contrefaçon puisque l’article L.122-6-1 du CPI permet non seulement l’observation, de l’étude ou le test du fonctionnement ou la sécurité du logiciel, mais il permet également la décompilation à des fins d’interopérabilité.

Or, la Cour constate que les opérations de décompilation effectuées par le prévenu ne rentrent pas dans le champ de l’article L.122-6-1 du CPI. Celui-ci impose ne jamais communiquer à des tiers les informations ainsi obtenues :

  • « sauf si cela est nécessaire à l’interopérabilité du logiciel ».

En mettant à disposition du public le code du logiciel Skype, l’utilisation des informations obtenues par décompilation constitue donc une reproduction d’une œuvre de l’esprit effectuée au mépris des droits de l’auteur.

Faute de preuve, la Cour relaxe le prévenu des autres chefs d’accusation dont notamment l’accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données.

La Cour prononce à l’encontre de l’auteur de la décompilation illégale pour contrefaçon :

  • une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis
  • 5.000 euros de dommages et intérêts au titre de l’indemnisation du préjudice moral, la publication du code du logiciel Skype ayant démontré sa fragilité.

En revanche aucune condamnation à des dommages et intérêts n’a été allouée au titre de l’indemnisation d’un préjudice matériel prétendument subi. Microsoft, nouveau propriétaire de Skype, l’a pourtant chiffré à 150.000 euros.

La Cour d’appel a pris en compte la « prodigieuse croissance de la valorisation » du patrimoine de Skype au moment des faits.

Marie Soulez
Clémence Delebarre
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle

(1) CA Caen, 18-3-2015, Christian D., Sean O., Ministère public c/ Skype Ltd et Skype Software Sarl.

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