Frédéric Forster répond à la question de viuz.com de savoir si les opérateurs mobiles européens peuvent couper la publicité.
Cela revient à s’interroger sur les droits dont disposent les opérateurs sur les contenus véhiculés par leurs réseaux et sur la façon de les filtrer et de les supprimer.
Cette question peut d’abord être analysée sous l’angle de la loi relative à la protection du secret des correspondances. Au titre de ce texte, les opérateurs mobiles sont tenus d’une obligation de secret absolu et doivent donc acheminer un message d’un émetteur A vers un destinataire B sans avoir la possibilité de prendre connaissance de la teneur de ce message.
La question n’est, en revanche, pas si simple lorsqu’il s’agit d’un message réellement publicitaire, c’est-à-dire d’un message qui fait la promotion d’un produit ou d’un service, non pas à l’attention d’une personne précise et dénommée, mais à l’attention de l’ensemble des lecteurs, auditeurs ou spectateurs ciblés pour ce faire par l’annonceur. Tel serait le cas, par exemple, de la publicité qui accompagnerait un message diffusé sur un mur de discussion dans un réseau social, ou d’une vidéo dont la lecture serait conditionnée par le visionnage préalable d’une publicité.
Cette problématique n’entre alors plus dans le périmètre de la protection du secret des correspondances dans la mesure où nous ne sommes plus dans une relation confidentielle entre deux ou plusieurs personnes ; cette problématique confine, en fait, à celle qu’il convient, (ou non) de donner que l’internet, et plus largement les réseaux, restent neutres au regard des contenus qu’ils véhiculent. Pour le dire encore autrement, dans ces cas, les opérateurs sur le réseau internet ont-ils légalement la possibilité de mettre en œuvre une gestion discriminatoire du trafic ?
Ce sujet fait l’objet, aujourd’hui encore, de vifs débats politiques, et parfois aussi juridiques, voire judiciaires, afin de déterminer si le principe de la neutralité de l’internet doit ou non être garanti par la législation. Ce débat a progressé à la fois aux États-Unis et en Europe, notamment en France, grâce à l’intervention des autorités publiques et, pour l’essentiel, des régulateurs, quand bien même les solutions qui ont été dégagées de part et d’autre de l’océan ne soient absolument pas les mêmes.
Frédéric Forster pour viuz.com, « Télécoms : les opérateurs mobiles européens peuvent-ils couper la pub ? », le 3 juin 2015