L’abus dans la rédaction des clauses lors des négociations contractuelles est sanctionné, y compris dans les relations entre professionnels, qui sont pourtant gouvernées par le principe de liberté contractuelle.
Un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties prohibé. Ainsi, « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » engage la responsabilité de son auteur (art. L 442-6 du Code de commerce).
Cette notion de « déséquilibre significatif » – bien qu’elle ait été jugée conforme tant à la Constitution qu’à la Convention européenne des droits de l’Homme – est souvent considérée comme floue et imprécise.
Il s’agit pourtant d’une notion bien connue en droit de la consommation, ayant donné lieu à une jurisprudence importante, constituant « un précédent légal facilitant la compréhension du texte ». Pour autant, les solutions retenues en la matière ne sont pas purement transposables, par analogie, aux rapports entre professionnels, « les rapports de force [étant] différents de ceux existants entre professionnels et consommateurs » (1).
Cette qualification relève d’une appréciation au cas par cas faite par le juge, qui pourra, au besoin, consulter la Commission d’examen des pratiques commerciales.
Dans deux arrêts du 3 mars 2015 (2), la Cour de cassation a précisé que les juges du fond devaient apprécier non seulement les clauses qui leur sont soumises, mais également le contexte dans lequel le contrat est conclu et son économie afin de procéder à une analyse globale et concrète de celui-ci.
En l’espèce, les critères mis en avant par les juges du fond – validés par la Cour de cassation – pour caractériser un déséquilibre significatif étaient (i) l’absence de réciprocité des dispositions contractuelles, (ii) l’absence de contrepartie, et (iii) l’absence de négociation effective des clauses, aucune suite n’ayant été donnée aux réserves et avenants aux conditions générales d’achat des fournisseurs.
Les bonnes pratiques à adopter. Si les décisions intervenues en matière de déséquilibre significatif sont limitées et concernent essentiellement le secteur de la grande distribution, ces règles ont déjà trouvé application dans le secteur informatique (3).
Par ailleurs, force est de constater que la rupture brutale des relations commerciales établies, prohibée par l’alinéa 5 du même texte, est désormais très fréquemment sanctionnée par les tribunaux, indépendamment du secteur d’activité des parties au contrat.
Rien ne permet de présager un tel avenir au « déséquilibre significatif ». Pour autant, mieux vaut, dans un but de sécurité juridique, tenter de se prémunir contre un tel risque en adoptant les pratiques suivantes :
- éviter que ses contrats types (CGA et CGV) instaurent un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties ;
- prohiber toute clause purement potestative, qui conditionne la naissance ou l’exécution d’une obligation à la volonté discrétionnaire d’une des parties ;
- assurer une certaine réciprocité quant aux modalités et conditions des clauses dites sanction (pénalités, résiliation anticipée) ;
- permettre une véritable négociation des contrats.
Jean-François Forgeron
Sophie Duperray
Lexing Droit informatique
(1) CA Paris, Pôle 5, Ch. 4, 1-10-2014, RG 2009F00729, Ministre de l’économie / Carrefour.
(2) Cass. com, 3-3-2015, n° 13-27525 Ministre de l’économie / Eurauchan, et n° 14-10907 Ministre de l’économie / Provera.
(3) Pour une illustration en matière de contrat informatique : CEPC, Avis n°15-1 et n°15-3 du 22-1-2015.