Assistance à maîtrise d’ouvrage sans contrat : une responsabilité étendue. Dans les projets informatiques, le rôle de l’assistant à maîtrise d’ouvrage (AmoA) est central (1). Une récente décision de la Cour d’appel de Grenoble en tire toutes les conséquences de droit (2).
Dans cette affaire, un franchiseur exploitant un réseau de 120 agences immobilières a souhaité faire évoluer son logiciel de gestion de biens. Le prestataire qui venait d’achever son nouveau site web a été retenu pour ce projet reposant sur des développements spécifiques. Un assistant à maîtrise d’ouvrage s’est vu confier le pilotage du projet. Les missions confiées à chacun de ces prestataires n’ont pas été formalisées par un contrat écrit. Aucun cahier des charges n’a été rédigé, ni validé par les parties. Sur le plan technique, ce projet est un échec : nombreux dysfonctionnements, bugs et absence de fonctionnalités.
Après avoir retenu la responsabilité du prestataire pour manquement à une obligation de résultat, les juges grenoblois condamnent sévèrement l’AmoA pour trois graves manquements :
- manquement à son obligation de conseil pour ne pas avoir recommandé d’effectuer un appel d’offres ;
- manquement à son obligation d’assistance en ne formalisant pas en amont un cahier des charges précis avec tous les besoins du client ;
- carences dans l’accompagnement opérationnel lequel devait aller du développement jusqu’à mise en exploitation effective après tests et correction.
La nécessité d’un encadrement contractuel précis. La décision des juges grenoblois est d’autant plus sévère qu’aucun contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage n’avait été formalisé. Pour retrouver de la sécurité juridique, le maître d’ouvrage et son assistant auront tout intérêt à fixer le périmètre de la mission confiée.
Il convient de borner précisément dans le temps la mission confiée, faute de quoi, comme dans l’arrêt commenté, l’accompagnement opérationnel sera réputé s’appliquer jusqu’à parfaite réception du projet. En pratique, l’état de l’art sur cette clause consiste à fixer un terme précis ou une mission pour « la durée du projet ».
Si la mission d’assistance implique une délégation du client par voie de mandat pour certaines étapes du projet ou certaines instances de gestion de projet, il faut le prévoir expressément : on parle alors de maîtrise d’ouvrage déléguée.
La liste des livrables attendus peut aussi être un outil efficace pour le client pour savoir concrètement ce que son assistant lui fournira et s’assurer ainsi du respect des grandes étapes de la conduite d’un projet informatique. La formalisation ou la révision d’un cahier des charges, la validation d’un dossier de spécifications sont autant de livrables attendus usuellement de l’AmoA.
Acteur de premier plan du contract management informatique, l’AmoA doit apporter confiance et sécurité dans l’exercice de sa mission. L’arrêt commenté prouve, s’il en était besoin, que le contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage compte tout autant que celui du prestataire pour s’assurer de la qualité des prestations servies, en particulier, comme du succès du projet dans son ensemble.
Eric Le Quellenec
Lexing Droit Informatique
(1) Voir la définition usuellement retenue dans les marchés publics informatiques.
(2) CA Grenoble, Ch. Com. 4-6-15, RG 2009J386 CIMM Franchise / E-Développement Conseil, 3C Evolution