Après l’adoption du projet de loi sur le renseignement, le Conseil Constitutionnel doit se prononcer dans les tous prochains jours sur la conformité de la loi.
Si pour l’essentiel, il y a un consensus pour inscrire la politique publique ainsi que les activités des services de renseignement dans le cadre du droit, les préoccupations suscitées, parmi lesquelles figurent la protection des libertés fondamentales restent nombreuses (1).
En effet, suite à l’adoption du projet de loi relatif au renseignement par l’Assemblée nationale le 24 juin 2015, la loi sur le renseignement a été déférée au Conseil Constitutionnel par le Président la République, par le Président du Sénat et par plus de 60 députés, sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 61 de la Constitution.
La loi sur le renseignement n’aurait pas nécessité une triple saisine si l’étude d’impact du projet de loi avait notamment été réalisée de manière à éclaircir l’utilisation des notions « d’informations ou documents » et de « données techniques de connexion ».
Le Conseil d’Etat avait déjà jugé dans son arrêt du 5 juin 2015 (2) que la conformité à la Constitution des articles L. 246-1 à L. 246-5 du Code de la sécurité intérieure ayant pour objet l’accès administratif aux données de connexion était renvoyée au Conseil Constitutionnel.
La saisine du Conseil Constitutionnel devra permettre de déterminer si les dispositions du projet de loi renseignement présentent les garanties appropriées et spécifiques répondant aux exigences de l’article 34 de la Constitution et si le législateur ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles.
Un mémoire porté par un groupe de réflexion et trois amicus curiae (« amis de la cour ») déposés par des associations ou une fédération régie par la loi du 1er juillet 1901 et un think tank et des fédérations professionnelles du numérique.
Dans son mémoire déposé le 25 juin 2015 (3), GenerationLibre y soutient notamment que l’article 1er de la loi déférée devrait être déclaré contraire à la Constitution, le législateur ayant entendu laisser au pouvoir réglementaire le soin de garantir la nécessaire proportionnalité entre les objectifs poursuivis par le renseignement et l’exercice des libertés publiques.
GenerationLibre stigmatise également les carences de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ainsi que la faiblesse des recours prévus par la loi déférée.
Dans un amicus curiae également déposé au Conseil Constitutionnel par French Data Network (FDN), la Quadrature du Net et la FFDN le 29 juin 2015 (4), les associations après avoir apporté de nombreux éclairages techniques sur la loi déférée, dénonce l’absence de procédure de signalement des abus et le caractère illusoire de la procédure contentieuse.
Dans un second amicus curiae du 1er juillet 2015 (5), le Syntec numérique, l’AFDEL, l’Asic et Renaissance numérique réitère notamment la nécessité d’accroître les pouvoirs de la CNCTR notamment en lui conférant un pouvoir contraignant.
Dans un troisième et dernier amicus curiae déposé le 2 juillet 2015 (6), un avocat souligne notamment l’absence de définitions légales de neuf termes utilisés dans la loi renseignement et le fait que ces définitions sont laissés à l’appréciation du pouvoir exécutif.
Le Conseil constitutionnel doit statuer dans un délai d’un mois. La saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation de la loi relative au renseignement
Didier Gazagne
Lexing Droit Intelligence économique
(1) Consultez nos précédents articles sur le projet de loi : post du 20-4-2015, post du 22-4-2015, post du 24-4-2015.
(2) CE, 10ème / 9ème SSR, n°388134, Arrêt du 5-6-2015.
(3) Mémoire Génération Libre, 25-6-2015.
(4) Amicus curiae FDN, Quadrature du Net, FFDN, 29-6-2015.
(5) Amicus curiae Syntec, Afdel, Asic, Renaissance numérique, 1-7-2015.
(6) Amicus curiae, Me Ledieu, 2-7-2015.