Economie juridique – JP – Indemnisation des préjudices

Economie juridique

Tout préjudice dont l’existence est démontrée doit être indemnisé

Les conséquences dommageables d’une campagne de dénigrement…

Début 2004, les médias font largement état d’une controverse au sujet des risques que présenterait pour la santé, la consommation de saumons d’élevage. Une agence de relation publique diffuse les résultats d’une étude scientifique consacrée à ce sujet, en amplifiant de manière alarmiste les conclusions mesurées de celle-ci.

La CITPPM, organisme professionnel représentant notamment des producteurs de saumon fumé, estime que cette diffusion lui cause un préjudice et engage une procédure contre l’agence.

L’organisme professionnel considère qu’il doit engager des dépenses de communication afin de rétablir l’image positive du saumon d’élevage dans l’esprit du public. Il justifie avoir engagé 119.600 € de dépenses et évalue à 250.000 € le solde des coûts de communication à supporter. 4Le Tribunal de commerce de Paris (1) considère que l’agence de relation publique a commis un acte de dénigrement engageant sa responsabilité en ajoutant délibérément aux résultats de l’étude des éléments de nature à nuire à l’image du produit dans l’esprit du public.

L’enjeu

    Si les juges du fonds doivent apprécier souverainement l’étendue d’un préjudice dont ils ont reconnu l’existence, le demandeur doit justifier du lien de causalité entre le préjudice invoqué et la faute subie.


… non réparées à défaut de preuve du lien de causalité

En analysant les statistiques de ventes de saumon fumé, qui révèlent une baisse modérée des ventes, il constate que la CITPPM, a bien subi un préjudice en relation directe avec les actes de dénigrement.

Cependant, le tribunal estime que le lien de causalité entre le montant des dépenses de communication invoquées et la faute retenue n’est pas démontré, l’organisme professionnel ayant produit factures et devis correspondants, sans justifier des modalités de réalisation de la campagne. Considérant alors qu’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour évaluer l’étendue du préjudice, le Tribunal accorde à la CITPPM une réparation symbolique de 1 € de dommages et intérêts, tout en faisant droit à sa demande de publication de la décision dans la presse. Ayant constaté l’existence d’une faute et d’un préjudice causé par celle-ci, le Tribunal doit en principe apprécier souverainement le montant de celui-ci, ou ordonner les mesures d’instruction qu’il estime nécessaires pour éclairer son jugement (2). En l’espèce, ce principe semble avoir été méconnu, dès lors qu’une indemnité symbolique ne saurait réparer les coûts de communication engagés, dont le Tribunal semble avoir admis la nécessité, en reconnaissant ne pas pouvoir apprécier le montant ayant pour origine le dénigrement subi.

Le conseil

    En l’espèce l’organisme professionnel aurait certainement pu obtenir une indemnisation plus conséquente en démontrant que la décision d’engager les dépenses invoquées avait bien pour origine le dénigrement subi et en justifiant précisément de l’objet des dépenses invoquées.


Notes
(1) TC Paris, 18/02/2005, Confédération des Industries de Traitement des Produits de Pêches Maritimes (CITPPM) c. Equity Conseil Gavin Anderson et Cie.
(2) Cass. 3e civ. 06/02/2002

Bertrand Thoré

Directeur du Département Economie juridique

bertrand-thore@lexing.law

Paru dans la JTIT n°54-55/2006 p.7

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