La Cour de cassation a précisé les critères d’appréciation par les juges du fond d’une composition musicale originale.
Si l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle (1) précise que les « compositions musicales, avec ou sans paroles » sont considérées comme des œuvres de l’esprit bénéficiant de la protection par le droit d’auteur, encore faut-il que celles-ci revêtent un caractère original, condition sine qua non de la protection par le droit d’auteur en France.
A cet égard, la jurisprudence considère que la simple reprise des éléments connus et existant dans le domaine public ne peut constituer une œuvre originale, excluant ainsi des œuvres dites « banales » de la protection par le droit d’auteur.
Dans ce contexte, par un arrêt du 30 septembre 2015, la Cour de cassation a apporté une précision importante quant à l’appréciation du caractère original d’une composition musicale en jugeant que la seule reprise des passages couramment utilisés au sein d’une composition musicale n’a pas nécessairement pour effet de la priver de son originalité.
En effet, pour la Haute juridiction, le caractère original d’une composition musicale doit être apprécié dans son ensemble, au regard des différents éléments, fussent-ils connus, qui la composent, pris en leur combinaison.
En l’occurrence, l’auteur d’une chanson dénommée « For Ever », soutenant que deux chansons intitulées « Aïcha 1 » et « Aïcha 2 » contrefaisaient sa composition musicale, a assigné l’auteur-compositeur et éditeur de ces deux chansons ainsi que le coauteur des arrangements et leur coéditeur devant le Tribunal de grande instance de Paris en réparation de l’atteinte portée à ses droits d’auteur.
Si le Tribunal de grande instance de Paris a fait droit aux demandes de l’auteur de la chanson « For Ever », la Cour d’appel de Paris a jugé que l’originalité de cette composition musicale n’était pas établie. En conséquence, elle a débouté l’auteur de l’ensemble de ses demandes en contrefaçon.
La Cour d’appel de Paris a relevé que la composition « For Ever » ne présentait pas de caractère original aux motifs suivants :
- si la chanson « For Ever » ainsi que les chansons arguées de contrefaçon faisaient apparaître un enchaînement d’accords identiques sur quatre notes, ce passage était couramment utilisé dans les compositions musicales actuelles et n’était pas, en tant que tel, susceptible d’appropriation ;
- les chansons constituaient globalement, par leurs structures musicale et lyrique divergentes, perceptibles pour l’auditeur moyen, des œuvres distinctes qui traduisaient un parti pris esthétique différent.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt, jugeant que les motifs retenus par la cour d’appel étaient impropres à exclure l’originalité de la chanson « For Ever », qui devait être appréciée au regard de l’ensemble des éléments qui la composaient pris en leur combinaison, même si ces éléments n’étaient pas originaux et déjà connus du public.
Ce faisant, la Cour de cassation a apporté une précision importante relative aux critères d’appréciation par les juges du fond de l’originalité d’une composition musicale : en effet, même si celle-ci était composée entièrement d’éléments déjà connus et existant dans le domaine public, elle pourrait être considérée comme étant originale et bénéficier d’une protection par le droit d’auteur si son originalité est constituée par la combinaison particulière, arrêtée par l’auteur, de ces éléments au sein de la composition.
Marie Soulez
Viraj Bhide
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
(1) CPI, art. L. 112-2.