Un arrêt de la Cour d’appel de Paris apporte des précisions non négligeables en termes de constat sur internet.
Le 7 octobre 2015, la Cour d’appel de Paris a condamné pour parasitisme l’éditeur d’un site internet, qui avait copié quasiment à l’identique le plan, le contenu, le nom et l’agencement des rubriques du site internet de l’un de ses concurrents.
La Cour précise, dans cet arrêt, les conditions dans lesquelles doit être effectué le constat sur internet par un huissier de justice, pour être recevable.
En l’espèce, l’huissier de justice mandaté par l’une des parties s’était connecté au site de l’adversaire en utilisant les identifiants et mots de passe créés par sa cliente.
La cour a écarté des débats le constat ainsi réalisé aux motifs que « les preuves rapportées par un constat d’huissier doivent avoir été obtenues loyalement ; que même si le site Dailyfriends est un site public, l’huissier de justice doit utiliser sa propre identité et mentionner sa qualité pour se connecter et naviguer sur ce site ; qu’en utilisant les codes de connexion préalablement créés par la société Netuneed, ainsi que le pseudo “Moipolo” également créé par sa cliente, donnant accès à un “espace perso” sur lequel dialoguent des membres du site Dailyfriends, l’huissier a procédé à des constatations en dissimulant son identité et sa qualité, en violation du principe de la loyauté de la preuve ».
Le cadre technique des constatations effectuées par un huissier de justice est repris dans la norme Afnor NF Z67-147 relative au « Mode opératoire de procès-verbal de constat sur Internet effectué par huissier de justice » du 11 septembre 2010 et la jurisprudence avait déjà apporté de nombreuses précisions sur la validité des constats d’huissier sur internet, dans les cas de constat simple ou d’achat en ligne.
Ainsi, la jurisprudence a constamment réaffirmé que l’huissier doit faire preuve d’une stricte neutralité, se présentant ès qualité, lorsqu’il effectue son constat.
C’est ce qu’avait déjà jugé le Tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 21 janvier 2009 (1), en estimant que les procès-verbaux établis par un huissier de justice ayant eu « une démarche active consistant à passer commande de produits après avoir créé un compte client sur le site marchand de la société », en cachant volontairement son identité, devaient être annulés.
La procédure de constat réalisée ne doit pas s’apparenter à une procédure judiciaire spécifique pour laquelle une autorisation judiciaire devrait être obtenue, notamment sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.
L’arrêt se prononce également sur la validité de copies d’écran, généralement considérées comme dénuées de force probante par la jurisprudence. La Cour d’appel de Paris a reconnu la valeur probante des copies d’écrans produites en l’espèce. Il est cependant important de noter que ces copies d’écran étaient corroborées :
- par un constat d’huissier (valable cette fois) réalisé sur les mêmes éléments, enregistrés dans le cache de Google ;
- par un dossier de presse qui reprenait les mêmes éléments.
La remise en cause de la jurisprudence constante qui rejetait la force probante des copies d’écran ne semble donc pas réellement remise en question, sauf à apporter des éléments extrinsèques probants permettant de conforter les éléments produits.
Virginie Bensoussan-Brulé
Chloé Legris
Lexing Droit pénal numérique
(1) TGI Paris 21-1-2009 3e ch. 3e section, Red Castle France, Jill M. / Aubert France, Sicatec.