Le juge du référé précontractuel peut contrôler les compétences juridiques et statuaires d’un candidat à un marché public.
Dans un arrêt du 18 septembre 2015, le Conseil d’Etat apporte des précisions quant à l’étendue de l’office du juge du référé précontractuel lorsqu’il est face à la candidature d’une personne morale de droit public (1).
En l’espèce, une commune a lancé une procédure négociée en vue de réaliser des études d’urbanisme portant sur la création d’une zone d’aménagement concerté (ZAC). Le groupement attributaire se composait de deux sociétés et de l’association de gestion de l’établissement public Conservatoire national des arts et métiers des Pays de la Loire.
Saisi par un candidat évincé, le juge du référé précontractuel a annulé la procédure à compter de l’examen des candidatures au moyen tiré de ce « qu’il n’entre pas dans la mission de service public d’enseignement et de recherche du Conservatoire national des arts et métiers, établissement public, de délivrer des prestations de conseil juridique en droit de l’urbanisme ».
Par une ordonnance du 22 avril 2015, le Tribunal administratif de Rennes a en effet annulé la procédure litigieuse à compter de l’examen des candidatures. Le groupement attributaire se pourvoit alors en cassation en vue d’annuler cette ordonnance.
Cette décision pose la question de savoir si le juge du référé précontractuel peut contrôler les compétences juridiques/statuaires d’une candidature. Et si oui, dans quelles conditions.
Saisi de l’affaire, le Conseil d’État juge « qu’il appartient au juge du référé précontractuel, saisi de moyens sur ce point, de s’assurer que l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur pour exclure ou admettre une candidature ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ».
Il précise que « dans ce cadre, lorsque le candidat est une personne morale de droit public, il lui incombe de vérifier que l’exécution du contrat en cause entrerait dans le champ de sa compétence et, s’il s’agit d’un établissement public, ne méconnaîtrait pas le principe de spécialité auquel il est tenu ».
En effet, conformément au principe de spécialité qui délimite la compétence des établissements publics, ces derniers ne peuvent agir que dans de strictes limites.
La Haute juridiction complète son rappel en précisant que le juge doit rechercher si les prestations objet du marché constituent le complément normal de la mission statutaire de l’établissement public et sont utiles à l’exercice de celle-ci.
Cette règle permet d’éviter qu’un marché soit attribué à une personne publique alors que celle-ci ne serait pas compétente pour l’exécuter.
En l’espèce, le Conseil d’État constate que c’est l’association de gestion de l’établissement public, personne morale de droit privé, qui devait assurer les prestations de conseil juridiques en droit de l’urbanisme prévues et non l’établissement public lui-même.
Le juge de première instance a donc commis une erreur de droit en se fondant sur la méconnaissance du principe de spécialité par l’établissement public. Le Conseil d’État juge que les requérants sont bien fondés à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée. L’ordonnance du juge du référé précontractuel est donc annulée.
François Jouanneau
Lexing Droit Marchés publics
(1) CE 7ème / 2ème SSR, n° 390041, 18-9-2015.