Instrument majeur de la politique d’ouverture des données publiques ou « open data » que la France a entreprise ces dernières années, la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public (1), promulguée le 28 décembre 2015 et modifiant la loi 78-753 du 17 juillet 1978 (2), érige en principes fondateurs l’ouverture et la gratuité de la réutilisation des données publiques.
Certes, le législateur français était tenu de procéder à la transposition de la directive 2013/37/UE du 26 juin 2013 (3) modifiant la directive dite PSI du 17 novembre 2003 (4) concernant la réutilisation des informations du secteur public, qui vise notamment à favoriser l’accès gratuit aux données détenues par les personnes publiques.
Mais il va plus loin en posant comme règle de principe la gratuité de la réutilisation de ces données. Le nouvel article 15 de loi 78-753 du 17 juillet 1978 dispose ainsi que « la réutilisation d’informations publiques est gratuite ». Il s’agit d’une modification essentielle de la loi puisque dans sa précédente rédaction, l’article 15 énonçait tout au contraire le principe que « la réutilisation d’informations publiques peut donner lieu au versement de redevances ». Même si les deux notions ne se recouvrent pas exactement, la gratuité est une certainement une composante essentielle d’une politique tournée vers l’ open data.
Après débats, la loi du 28 décembre 2015, comme le projet de loi (5) présenté au Conseil des ministres du 31 juillet 2015, retient deux exceptions à la règle de gratuité, autorisant à percevoir des redevances en cas de réutilisation d’informations publiques.
La première exception bénéficie aux administrations qui sont tenues de couvrir par leurs ressources propres une part substantielle des coûts engendrés par l’exécution de leur mission de service public. Un décret en conseil d’Etat doit établir la liste de ces administrations, qui sera révisée tous les 5 ans.
La seconde exception porte sur la réutilisation des documents et informations associées issus d’opérations de numérisation des fonds et collections des bibliothèques, musées et archives. Elle vise à compenser les coûts supportés par ces organismes pour la numérisation de leurs fonds.
Dans les deux cas, les redevances susceptibles d’être demandées sont encadrées par des règles comptables strictes. Elles doivent être déterminées selon des critères objectifs, transparents, vérifiables et non discriminatoires, suivant des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, et leur montant doit être révisé au moins tous les cinq ans.
Ces contraintes témoignent de la volonté du législateur limiter les dérogations à l’ open data et de prévenir les dérives qu’elles pourraient engendrer.
D’autres dispositions de la loi du 28 décembre 2015 favorisent encore l’ open data, tel son article 2 modifiant l’article 10 de la loi 78-753 qui prévoit la mise à disposition dans un standard ouvert et aisément réutilisable des informations sous forme électronique, et surtout son article 3 abrogeant l’article 11 de la loi 78-753, qui édictait une dérogation au régime de la réutilisation des informations publiques en faveur des établissements et institutions d’enseignement et de recherche ainsi que des établissements, organismes ou services culturels. Désormais, ces établissements ne seront plus libres de fixer les conditions de réutilisation des informations qu’ils détiennent.
Toutes ces dispositions vont dans le sens du projet de loi pour une République numérique (6) présenté par Axelle Lemaire qui vise également à favoriser l’ open data en renforçant l’accessibilité aux données publiques. Sans doute eût-il été préférable d’appréhender dans un texte unique les évolutions du droit des données publiques, mais le retard déjà pris par la France ne lui permettait plus de différer la transposition de la directive 2013/37/UE.
Ce texte très attendu constituera un autre pilier du droit de l’ open data.
Laurence Tellier-Loniewski
Lexing Droit Propriété intellectuelle
- Loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public (JORF n°0301 du 29-12-2015 p. 24319).
- Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal (version consolidée).
- Directive 2013/37/UE du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public (JOUE L 175 du 27-6-2013 p. 1).
- Directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public (version consolidée).
- Projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations du secteur public (Doc. Ass. nat. n° 3037 du 31-7-2015)
- Projet de loi pour une République numérique (Doc. Ass. nat. n° 3318 du 9-12-2015)
- A lire aussi : Laurence Tellier-Lonieswki, « Gratuité des informations publiques : vers un open data » (Alain-Bensoussan.com, 6-10-2015)