Le transfert du savoir-faire vers un pays de l’UE où le taux de TVA est moindre n’est pas en soit une pratique abusive.
Par un arrêt du 17 décembre 2015 (1), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), sur question préjudicielle, considère qu’un contrat de licence ayant pour objet le transfert d’un savoir-faire permettant l’exploitation d’un site internet d’une société hongroise vers une société établie à Madère (Portugal) où le taux de TVA est moindre ne constitue pas, en soi, un abus de droit.
A cet égard, le fait que le gérant et unique actionnaire de cette dernière société soit le créateur de ce savoir-faire, que cette même personne exerce une influence ou un contrôle sur le développement et l’exploitation dudit savoir-faire et la fourniture des services qui reposent sur celui-ci, que la gestion des transactions financières, du personnel et des moyens techniques nécessaires à la fourniture desdits services est assuré par des sous-traitants, de même que les raisons qui peuvent avoir conduit la société donneuse de licence à donner en location le savoir-faire en cause à une société établie dans cet autre Etat membre au lieu de l’exploiter elle-même, n’apparaissent pas décisifs en eux-mêmes de l’abus de droit.
En revanche, ce transfert de savoir-faire serait constitutif d’un abus de droit si son objectif est de dissimuler le fait que le site internet est en réalité exploité depuis la Hongrie (2).
Il appartient donc, à la juridiction hongroise d’analyser l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal pour déterminer si ce contrat de licence constitue un montage purement artificiel dissimulant le fait que la prestation de services en cause n’est pas réellement fournie par la société preneuse de la licence, mais l’est en fait par la société donneuse de la licence.
Pour ce faire, elle devra notamment rechercher si l’implantation du siège de l’activité économique ou de l’établissement stable de la société preneuse de la licence n’est pas réelle ou si cette société, aux fins de l’exercice de l’activité économique concerné, ne posséde pas une structure appropriée en terme de locaux, de moyens humains et techniques, ou encore si ladite société n’exerce pas cette activité économique pour son propre nom et pour son propre compte, sous sa propre responsabilité et à ses propres risques.
En matière d’abus de droit par des pratiques d’optimisation fiscale, le droit de l’Union européenne ne fait pas obstacle à ce qu’il soit procédé à un redressement de TVA dans l’Etat membre du lieu où cette prestation de services a réellement été fournie même si la TVA a été acquittée dans l’autre Etat membre.
Pierre-Yves Fagot
Lexing Droit Entreprise
(1) CJUE 17-12-2015 affaire C-419/14.
(2) Communiqué de presse CJUE n° 148/15, Luxembourg, 17-12-2015.