Pour les infractions de presse, le caractère injurieux d’un propos s’apprécie au regard du contexte de diffusion.
Deux juridictions, le Conseil de prud’hommes de Paris, dans un jugement du 16 décembre 2015 (1), et la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mars 2016 (2), saisies sur des fondements distincts, ont eu à se prononcer sur le caractère injurieux et homophobe du même terme prononcé dans des circonstances différentes.
Dans la première espèce, le Conseil de prud’hommes de Paris a eu à connaître d’une procédure de licenciement à l’encontre d’un coiffeur qui avait manqué un jour de travail. Ce dernier invoquait le caractère discriminatoire de son licenciement en s’appuyant sur un SMS de son employeur reçu par erreur, rédigé en ces termes :
– « Je ne garde pas [le coiffeur en question]. Je ne le sens pas ce mec. C’est un PD, ils font tous des coups de p… ».
La Cour de cassation était saisie d’une action en injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle, sur le fondement de l’article 33, alinéa 4, de la loi du 29 juillet 1881 en matière d’ infractions de presse (3).
Les faits remontaient au moment de l’entrée en vigueur de la loi sur le mariage pour tous. Lors d’une union entre deux hommes, un groupe de manifestants avait investi la mairie de Montpellier et l’un d’eux avait scandé « Les pédés dehors, les pédés on n’en veut pas! ».
Malgré la similitude du terme, les deux juridictions ont retenu une solution opposée. La première avait refusé de retenir le caractère discriminatoire du licenciement au motif que :
– « En se plaçant dans le contexte du milieu de la coiffure, le Conseil considère le terme « PD » employé par la manager ne peut être retenu comme propos homophobe, car il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles (…) sans que cela ne pose de problèmes ».
Tandis que la Cour de cassation a fustigé l’emploi du terme « pédé » considérant qu’il s’agit d’un « terme vulgaire et injurieux » et ajoutant que son emploi dans le cadre d’une célébration d’une union entre deux hommes avait nécessairement pour objectif de blesser les victimes en exprimant à leur égard du mépris.
Si la position du Conseil de prud’hommes de Paris peut être critiquée, elle permet néanmoins, lorsqu’elle est placée en perspective avec la décision de la Cour de cassation, de mettre en exergue l’importance du contexte dans lequel les propos sont tenus sur la qualification desdits propos.
Ainsi, à titre d’illustration, le contexte de l’employé au sein de l’entreprise avait déjà été pris en considération pour refuser la qualité d’injure à des formules telles que « j’en ai rien à cirer vous n’avez qu’à vous faire foutre » (4) et « enculé » (5).
A la différence, en l’espèce, que le contexte a profité à l’employeur et non au salarié.
Virginie Bensoussan-Brulé
Lexing Droit presse et pénal numérique
(1) CPH Paris du 16-12-2015.
(2) Cass. crim. 30-3-2016 n°14-88144.
(3) Loi du 29-7-1881, art. 33, al. 4.
(4) Cass. soc. 17-6-2009 n°08-41663.
(5) Cass. soc. 6-5-2009 n°08-40048.