La Cour de cassation rappelle que le risque de confusion est indifférent dans la protection de la marque de renommée.
La société Maisons du Monde est spécialisée dans l’ameublement et la décoration de la maison. Elle est titulaire de la marque française MAISONS DU MONDE. Le graphisme de celle-ci représente des petites maisons stylisées. La marque est déposée pour les produits de décoration et d’ameublement.
Maisons du Monde constate le dépôt d’une marque TOUT POUR LA MAISON comportant une petite maison stylisée. Elle assigne en contrefaçon de marque, atteinte à la marque de renommée et concurrence déloyale et parasitaire. Elle sollicite par ailleurs l’annulation de la marque TOUT POUR LA MAISON.
C’est le point de départ d’une véritable saga judiciaire. Avec à l’arrivée l’occasion pour la Cour de cassation de préciser les conditions de protection de la marque de renommée.
Marque de renommée : indifférence de l’identité ou de la similarité des produits et services
Déboutée de ses demandes en première instance, Maisons du Monde voit la décision confirmée par la Cour d’appel de Rennes. Le 9 mai 2012, celle-ci retient que l’article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle n’aurait pas vocation à s’appliquer dans une affaire où les produits et services visés par les deux marques sont similaires.
Pour mémoire, l’article L.713-5 énonce que « la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. »
Le 9 juillet 2013, la Cour de cassation censure cet arrêt. Elle rappelle que le régime de protection de la marque de renommée s’applique aussi bien pour des produits ou des services non similaires que pour des produits ou des services identiques ou similaires (1).
La solution est conforme à celle rendue par la CJUE dans son arrêt « Adidas » du 23 octobre 2003 (2). La Cour de Luxembourg avait jugé que certes les Etats membres n’ont pas l’obligation d’établir un régime de protection spécifique à la marque renommée. Mais que, lorsqu’un tel régime est établi, il doit s’appliquer. Et ce tant aux produits ou services non similaires qu’aux produits et services identiques ou similaires à ceux couverts par la marque de renommée.
L’affaire est renvoyée par la Haute juridiction devant la Cour d’appel de Bordeaux.
Marque de renommée : indifférence du risque de confusion
Par arrêt du 20 octobre 2014 (3), la Cour de renvoi déboute une nouvelle fois Maisons du Monde. Le motif : l’absence de risque de confusion entre la marque de renommée et la marque de la société Gifi Mag.
Nouveau pourvoi, nouvelle cassation.
Le 12 avril 2016 (4), la Cour de cassation reprend de manière quasi-identique l’arrêt Adidas. Elle rappelle que « la protection conférée aux marques jouissant d’une renommée n’est pas subordonnée à la constatation d’un risque d’assimilation ou de confusion ». Il suffit que « le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque ».
En conclusion, l’action en contrefaçon suppose de démontrer soit une double identité (5). Soit l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (6). Au contraire, l’action fondée sur l’atteinte à la marque de renommée permet au propriétaire de la marque de renommée d’outrepasser le principe de spécialité attachée à la marque. Et de s’affranchir de l’exigence d’un risque de confusion entre les signes.
Virginie Brunot
Justine Ribaucourt
Lexing Droit Propriété industrielle
(1) Cass. com., 9-7-2013, n°12-21.628, Sté Maisons du Monde c/ Sté Gifi Mag
(2) CJCE, 23-10-2003, aff. C-408/01, Adidas Salomon c/ Fitnessworld trading
(3) CA Bordeaux, 1ère ch. civ. sect. A., 20-10-2014, RG 13/05295, Sté Maisons du Monde c/ Sté Gifi Mag
(4) Cass. com., 12-4-2016, n°14-29.414, Sté Maisons du Monde c/ Sté Gifi Mag
(5) CPI art. L.713-2
(6) CPI art. L.713-3