La Cour d’appel de Paris a rendu une décision qui doit conduire à la plus extrême prudence en ce qui concerne l’usage des localisations géographiques à titre de signe distinctif. Elle considère en effet qu’« à l’instar d’une personne physique ou d’une personne morale, une collectivité territoriale est en droit de protéger son nom contre toute exploitation commerciale injustifiée, notamment lorsqu’un tiers, en déposant une marque, sera susceptible de lui causer un préjudice soit en l’empêchant de tirer profit de la commercialisation de son nom, soit en nuisant à son identité, son prestige ou sa renommée ». Cette décision renforce la protection attachée au nom d’une collectivité territoriale par rapport aux décisions antérieures qui avaient accueilli favorablement, sur le fondement du risque de confusion, les actions introduites par des collectivités territoriales tendant à obtenir l’annulation de marques et/ou de noms de domaine déposés par des tiers, construits avec le nom de la collectivité territoriale demanderesse. Dans le cas d’espèce, contrairement aux décisions antérieures, les juges ne motivent pas expressément leur décision sur le risque de confusion entre les services visés par la marque PARIS L’ETE déposée notamment pour désigner des « services de diffusion de programmes de radio ou de télévision et des services de présentation au public d’œuvres plastiques, de littérature à but culturel ou éducatif » et les activités de la Ville de Paris. Ils relèvent néanmoins que la Ville de Paris organise de nombreuses manifestations, lors de la saison d’été, dans les domaines culturel, économique et touristique; qu’elle fait connaître ces évènements, qui lui permettent de développer sa renommée, par le biais de différents médias d’information; et utilise, dans ce contexte, son nom associé au mot L’ETE. Dès lors, le dépôt de la marque PARIS L’ETE, qui crée un monopole d’exploitation au profit d’un tiers, prive la Ville de Paris de la possibilité d’exploiter son nom pour désigner ses propres activités et pour en contrôler l’usage. Ils prononcent donc l’annulation de la marque PARIS L’ETE sur les fondements de l’atteinte aux droits de la Ville de Paris sur son nom (L711-4h) du Code de la propriété intellectuelle) et du risque de tromperie en raison de l’apparence de garantie officielle que la marque revêtait (L711-3 du CPI). CA Paris, 12 décembre 2007 Paru dans la JTIT n°73/2008 Mise en ligne de liens commerciaux sponsorisés portant atteinte aux droits des tiers Les sociétés Google Inc. et l’Eurl Google ont été assignées pour contrefaçon de la marque française REMOTE-ANYTHING, proposée comme mot-clé dans le cadre de leur programme Adwords. Le mot clé reproduisant la marque déclenchait des liens commerciaux renvoyant vers des sites de sociétés commerciales proposant des produits et services similaires à ceux protégés par la marque française REMOTE-ANYTHING. Par arrêt du 6 décembre 2007, la Cour d’appel d’Aix en Provence a jugé que l’usage du mot-clé REMOTE-ANYTHING dans le cadre du programme Adwords constituait un usage de marque « dans la vie des affaires » au sens de l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle. En outre, la Cour d’appel a considéré que Google exerçait une activité de régie publicitaire et qu’en ne contrôlant pas l’usage des mots-clés proposés dans le cadre de son système Adwords, elle pouvait voir sa responsabilité engagée au motif qu’elle aurait un intérêt commercial à la diffusion de messages de publicité sous forme de liens commerciaux. C’est ainsi que ces sociétés ont été condamnées à 15 000 euros pour contrefaçon de marque. Les qualifications de parasitisme, de concurrence déloyale et de publicité mensongère ont cependant été écartées. Les actes de concurrence déloyale se confondent en effet avec ceux déjà sanctionnés au titre de la contrefaçon de marque. La publicité mensongère n’est quant à elle pas constituée au motif que les liens commerciaux s’affichent sur l’écran sous un emplacement réservé à cet effet. CA Aix en Provence, 6 décembre 2007 Le projet de loi de lutte contre la contrefaçon Un projet de loi de lutte contre la contrefaçon a été présenté, le 7 février 2007, en Conseil des ministres. Il s’inscrit dans le prolongement de la loi dite « Longuet » du 5 février 1994 et des lois du 18 mars 2003 et du 9 mars 2004 et procède à la transposition de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle. Tous les domaines du droit de la propriété industrielle sont concernés : brevets, marques, dessins et modèles, appellations d’origine et indications géographiques, obtentions végétales, puces et semi-conducteurs, propriété littéraire et artistique, droits voisins, droit du producteur des bases de données… Il s’agit, en effet, de renforcer l’arsenal juridique à disposition des titulaires de droits de propriété intellectuelle. Le projet de loi vise à faciliter la preuve de la contrefaçon, dont il est rappelé qu’elle s’administre par tous moyens, en créant, notamment, un droit d’information permettant aux autorités judiciaires d’ordonner la communication d’informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Il instaure la notion de « contrefaçon à l’échelle commerciale » permettant la mise en place de mesures particulières à l’encontre des contrefacteurs, telles la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers, le blocage de comptes bancaires, le retrait des circuits commerciaux et la destruction des produits contrefaits, ainsi que des matériels ayant servi à leur création ou leur conception, la confiscation au profit de la victime des produits de la contrefaçon. Il contient également des dispositions originales relativement au mode d’évaluation du préjudice résultant de la contrefaçon et propose une alternative au choix de la partie lésée : soit prendre en considération tous les aspects du préjudice, comme le manque à gagner subi par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur, le préjudice moral, soit allouer un forfait, qui ne peut être inférieur au montant des redevances qui auraient été versées au titulaire du droit, en cas d’exploitation autorisée. On sera attentif aux évolutions de ce texte important, qui pourrait affiner, voire réviser, certains concepts de