La lutte contre l’exclusion impose des mesures destinées à garantir l’accessibilité du numérique aux handicapés.
A ce titre, la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 et la directive « Accessibilité » du 26 octobre 2016 ont renforcé les obligations applicables en la matière.
Eléments de langage et état des lieux
Le terme d’accessibilité est défini par l’article 47 de la loi du 11 février 2005 (1) comme « l’accès à tout type d’information sous forme numérique quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation ». Cette définition se réfère à la fonction principale des outils numériques qui doivent être rendus accessibles, en l’occurrence la mise à disposition d’informations.
La directive « Accessibilité » (2) adopte une définition axée sur les diligences à accomplir lors de la mise en œuvre d’un site internet. Elle définit l’accessibilité comme « l’ensemble des principes et des techniques devant être respectés lors de la conception, de la construction, du maintien et de la mise à jour de sites internet et d’applications mobiles afin de les rendre plus accessibles ».
La notion de handicap est quant à elle largement appréhendée, elle se réfère à tous les handicaps susceptibles d’affecter l’accès au web, ce qui concerne notamment les handicaps visuels, auditifs, physiques, de parole, auditifs et neurologiques (3).
En effet, dès lors qu’une personne est atteinte d’un tel handicap, elle rencontre des difficultés dans l’utilisation de certains appareils du quotidien, et notamment internet. Compte tenu de l’importance que revêt aujourd’hui le numérique dans les vies professionnelles et courantes de chacun, la lutte contre l’exclusion implique l’appréhension des personnes handicapées.
Approche juridique de l’accessibilité du numérique aux handicapés
A l’origine, une circulaire du 7 octobre 1999 relative aux sites publics de l’Etat recommandait à leurs responsables de veiller à assurer l’accessibilité de l’information diffusée aux personnes handicapées.
Par la suite, l’article 47 de la loi du 11 février 2005 a imposé une véritable obligation d’accessibilité aux responsables de sites publics mis en ligne par l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics. Toutefois, le décret d’application de cette loi n’a été publié que quatre ans plus tard, soit le 14 mai 2009 (4), et l’obligation n’a été que peu suivie d’effets.
L’article 106 de la loi pour une République numérique, en modifiant ledit article 47, étend cette obligation, qui concerne désormais également les sites des organismes délégataires d’une mission de service public et les entreprises privées dont le chiffre d’affaires est supérieur à un montant défini par décret, lequel n’a, à l’heure actuelle, pas été publié.
Deux obligations sont mises à la charge des personnes concernées, en l’occurrence l’élaboration d’un schéma pluriannuel de mise en conformité décliné en plans d’actions annuels et la mise en ligne d’une mention relative à la conformité aux obligations d’accessibilité.
En l’absence du décret d’application de l’article 106 précité, la mise en œuvre de ces obligations s’avère toutefois complexe voire impossible, dans la mesure où aucun délai de mise en conformité, ni aucune exigence de forme ou de contenu n’ont été envisagés.
L’article 4 de la directive « Accessibilité », bien qu’il ne pose pas une obligation en tant que telle, incite les organismes du secteur public à prendre des mesures destinées à améliorer l’accessibilité de leurs sites internet et applications mobiles, lesquels doivent être rendus « perceptibles, utilisables, compréhensibles et robustes ».
Cet article se trouve toutefois vidé de sa substance par les nombreuses exceptions prévues par la directive, laquelle comporte une importante liste de sites internet, applications mobiles et contenus auxquels la règle précitée d’accessibilité ne s’applique pas. En outre, l’article 5 précise que les exigences en matière d’accessibilité peuvent ne pas être respectées si elles imposent aux personnes concernées une charge disproportionnée en termes de coût.
La directive devra être transposée en droit interne avant le 23 septembre 2018, ce qui n’aura que peu d’incidences en droit français dans la mesure où l’article 106 de la loi pour une République numérique se montre plus exigeant.
Mise en œuvre pratique des nouvelles obligations
La thématique de l’accessibilité du numérique aux handicapés fait l’objet d’un référentiel conséquent qui permet aux personnes concernées par les obligations précitées de connaître les mesures concrètes qu’ils doivent mettre en œuvre pour s’y conformer.
A échelle internationale, le World Wide Web Consortium (W3C), un organisme de standardisation à but non lucratif chargé de promouvoir l’accès au Web, est à l’origine de la Web Accessibility Initiative (WAI), un référentiel de conseils pratiques à destination des organismes assujettis à une obligation d’accessibilité.
En France, les textes exigent le respect du Référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RGAA), une norme nationale évolutive qui s’inspire du WAI et pose des principes d’accessibilité assortis d’exigences pratiques (par exemple, le principe de perceptibilité implique la mise en œuvre sur les pages web d’équivalents textuels tels que braille ou synthèse vocale).
Enfin, il existe des référentiels privés tels que le référentiel Accessiweb mis en œuvre par l’association BrailleNet (5), très active en matière d’accessibilité du numérique aux handicapés. Accessiweb est également un organisme de certification qui permet de mesurer la conformité des sites webs aux standards d’accessibilité.
En termes de normes, existent la norme européenne EN 301 549 et la norme internationale ISO/IEC 40500:2012 qui respectent les préconisations et conseils du WAI.
Malgré l’existence d’un tel référentiel, les sanctions en matière d’accessibilité sont trop peu importantes. En effet, l’article 106 de la loi pour une République numérique prévoit que seul un manquement aux obligations de mise en œuvre d’un schéma pluriannuel de mise en conformité et de mise en ligne d’une mention de conformité puissent faire l’objet d’une sanction, laquelle n’est pas déterminée faute de publication du décret.
Il en résulte que l’obligation d’accessibilité en tant que telle ne fait l’objet d’aucune sanction, ce qui laisse interrogateur quant à la mise en œuvre effective de l’obligation d’accessibilité du numérique aux handicapés dans un délai raisonnable.
Lexing Alain Bensoussan Avocats
(1) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
(2) Directive (UE) 2016/2102 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public
(3) Définition donnée par la Web Accessibility Initiative
(4) Décret n° 2009-546 du 14 mai 2009 pris en application de l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et créant un référentiel d’accessibilité des services de communication publique en ligne.
(5) Cette association a malheureusement disparu depuis, faute de subvensions suffisantes : « La liquidation de l’association BrailleNet, signe de la fragilité de l’édition adaptée », Actualitte 31-01-2022.