Une action de groupe à la française sera bientôt possible. Ce nouveau dispositif de contentieux permettrait à un grand nombre de consommateurs de pouvoir porter plainte conjointement devant les tribunaux. Le projet de loi Hamon relatif à la consommation présenté au conseil des ministres du 2 mai dernier prévoit en effet l’introduction dans le Code de la consommation d’un chapitre dédié à l’action de groupe.
Les grandes lignes du projet
Les principales dispositions sont les suivantes :
Article L.423-1 « Une association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée en application de l’article L.411-1, peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation identique ou similaire et ayant pour origine commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales et contractuelles
- a/ à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
- b/ ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. Seule la réparation des préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs et résultant d’une des causes mentionnées ci-dessus peut être poursuivie par cette action. »
L’article L 423-3 détermine l’office du tribunal saisi :
- Il vérifie que les conditions mentionnées à l’article L423-1 sont réunies ;
- Il statue sur la responsabilité du professionnel poursuivi ;
- Il fixe le montant du préjudice subi par chaque Il consommateur, ou les éléments permettant d’évaluer ces préjudices ;
- Lorsque les délais de recours contre la décision statuant sur la responsabilité du professionnel sont expirés, il ordonne les mesures de publicité de son jugement devant être mises en œuvre, aux frais du professionnel, afin de permettre aux consommateurs lésés qui satisfont aux conditions requises pour rejoindre le groupe, de solliciter le versement de l’indemnité fixée par le tribunal.
Les principales différences de ce projet d’action de groupe avec la class action
Les différences pouvant être à ce stade relevées entre ce projet d’action de groupe à la française et la class action porte sur les trois points suivants :
1. L’action n’a pas vocation à être engagée par un groupe de consommateurs créé pour l’occasion à l’initiative d’un consommateur, d’un cabinet d’avocats, d’un syndicat représentatif d’un secteur professionnel, ou de toute autre entité qu’une association de consommateurs agréée et représentative au niveau national. Les modalités de démarchage des consommateurs lésés devront être étudiées avec la plus grande attention, au regard des devoirs d’objectivité, de sérieux et d’indépendance qui incombent à ces associations, dès lors qu’ils doivent justifier du monopole qui leur est réservé.
2. Contrairement à la class action anglo-saxonne, l’action de groupe ne peut normalement pas aboutir à la fixation d’un montant unitaire de dommages et intérêts incluant une part de sanction infligée à l’entreprise, en complément de la part strictement indemnitaire du préjudice subi par chacun des consommateurs concernés. Le droit français de la responsabilité repose sur cette distinction entre la notion de réparation d’un préjudice et la notion de sanction d’une faute, et les dommages et intérêts ne doivent pas être confondus avec les peines d’amende et autres sanctions prévues par le droit pénal. Le parfait respect de cette distinction doit cependant être systématiquement rappelé, et ce notamment en présence d’une demande de réparation d’un préjudice moral. Il convient à cet égard de noter que la réparation de ce type de préjudice est exclue du domaine de l’action de groupe, en l’état du projet de loi sur la consommation.
3. Contrairement aux procédures anglo-saxonnes, aucun jury populaire n’est appelé à statuer sur le principe de la responsabilité encourue par l’entreprise défenderesse à l’action , et sur le montant de l’indemnité destinée à être allouée à chacun des consommateurs lésés. Ces décisions seront prises par des magistrats professionnels, ce qui devrait normalement éviter les dérives inhérentes aux décisions prises par des personnes qui sont à la fois juges et parties.
Ces différences ne dispensent bien évidemment ni d’exercer une vigilance particulière sur l’évolution de ce projet de loi, ni de réfléchir aux moyens alternatifs de règlement des conflits, et notamment à la médiation, qui pourraient permettre aux parties de conserver la maîtrise des situations pouvant donner lieu à une action de groupe.
L’action de groupe et la médiation
La médiation est d’ailleurs incluse dans ce projet de loi, mais en des termes qui dénotent de l’intention du législateur de limiter la liberté qu’elle procure habituellement aux parties.
Après avoir énoncé que les associations de consommateurs peuvent participer à une médiation, ce qui va de soi, l’article L423-9 de ce projet de loi prévoit que :
- « Tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l’homologation du juge, qui lui donne force exécutoire » et que
- « Le juge peut prévoir les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs de l’existence de l’accord ainsi homologué ».
La validité de cette partie du projet est contestable, en ce qu’elle apporte une limite à une liberté, en l’occurrence celle de régler ses différents à l’amiable avec l’aide d’un médiateur, et en dehors de toute intervention de l’autorité judiciaire, sans justification apparente, et donc conforme à celles qui sont admises en matière de libertés publiques.
Alain Bensoussan Avocats
Lexing Droit des médias