Une action de groupe de salariés victimes de discrimination à l’emploi est en débat devant l’Assemblée nationale.
L’action de groupe en matière de discrimination à l’emploi est au cœur des débats devant l’Assemblée nationale.
Le projet de loi de modernisation de la justice du 21e siècle (1), présenté en Conseil des ministres le 30 juillet 2015 et discuté à l’Assemblée nationale du 17 au 20 mai 2016, contient une mesure consistant en l’introduction d’une action de groupe en matière de discrimination à l’emploi.
L’efficacité de l’action collective en matière de discrimination à l’emploi dépend de plusieurs critères.
D’une part, pour que l’action collective en matière de discrimination à l’emploi soit efficace, il faut que son champ d’application soit le plus large possible, c’est-à-dire qu’il concerne les vingt critères légaux de discrimination . Notons que dès novembre 2015, le Sénat avait retenu un champ d’application particulièrement large, en l’étendant même à la carrière dans l’emploi public.
D’autre part, l’efficacité de l’action collective dépend de la capacité à agir des victimes. Pour une efficacité maximisée, tous les groupes de salariés victimes de discrimination doivent avoir le droit d’introduire une action collective devant les juges, à l’instar de la procédure de class-action américaine. Pourtant, le projet de loi dans sa version actuelle limite la capacité à agir des salariés. Seuls les syndicats et les associations disposeraient du droit d’introduire devant les tribunaux une action de groupe en matière de discrimination à l’emploi. On est donc face à un hiatus entre l’objectif inhérent à l’action collective et les moyens mis en œuvre pour les atteindre.
En outre, le projet de loi dans sa version actuelle ne prévoit pas la création d’un fond permettant de financer les actions collectives. Là encore, l’efficacité d’une action de groupe risque d’en être affectée.
L’efficacité de l’action de groupe en matière de discrimination à l’emploi dépend également du champ d’application accordé à la réparation issue de la procédure. Le droit à réparation prononcé par le juge doit s’appliquer à l’égard de tous les salariés victimes de la même discrimination que celle examinée dans le cadre d’une action de groupe en question. Elle ne doit pas être réduite aux seules victimes parties à la procédure. Cette règle est inhérente à la substance de l’action collective dont le dessein est de réparer les préjudices subis par un ensemble de salariés victimes des mêmes discriminations. A défaut, l’action de groupe perd de son essence, et le salarié victime de discrimination risque de devoir choisir entre l’action de groupe ou la procédure contentieuse individuelle devant le conseil de prud’hommes.
Le salarié victime de discrimination pourrait aussi cumuler ces deux actions. Dans cette hypothèse, le conseil de prud’hommes devrait surseoir à statuer dans l’attente de la décision issue de l’action collective.
Par conséquent, si une action de groupe ne permet pas de réparer l’intégralité des préjudices subis par les salariés victimes des mêmes discriminations, son intérêt semble limité, voire anéanti puisque les salariés victimes de discriminations continueront certainement à engager des procédures individuelles devant le conseil de prud’hommes, et l’action de groupe ne sera pas utilisée.
Emmanuel Walle
Clémentine Joachim
Lexing Département Social Numérique
(1), Sénat, Dossier législatif.