Par un arrêt du 3 avril 2012, la Cour de cassation rappelle les règles de recevabilité à l’action en contrefaçon. Il est de principe que l’action en contrefaçon de brevet est engagée par le propriétaire du brevet. Elle peut également et sous certaines conditions, être engagée par le licencié exclusif du brevet. Pour autant, encore faut-il que la licence consentie soit opposable aux tiers, ce qui n’est pas le cas de l’action fondée sur une demande de brevet, dont la licence exclusive n’a pas fait l’objet d’inscription au registre des brevets correspondant. Ainsi en a jugé la Cour suprême, cassant l’arrêt de la Cour d’appel qui avait déclaré recevable à agir en contrefaçon le licencié exclusif d’une demande de brevet européen dont la licence n’avait pas été inscrite au registre ad hoc.
Rappelant les dispositions de l’article L614-11 du Code de la propriété intellectuelle, aux termes desquelles « l’inscription au registre européen des brevets des actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet européen ou à un brevet européen rend ces actes opposables aux tiers », la Cour d’appel avait conclu à la recevabilité de l’action engagée par le licencié exclusif, retenant que cet article, destiné « à prévenir et résoudre les conflits entre personnes revendiquant des droits concurrents sur le même brevet, n’érige pas la publication de la licence au registre européen des brevets en une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon du licencié ».
Telle n’est pas l’analyse de la Cour de cassation rappelant, via les visas de l’article 73 de la Convention sur le brevet européen, ainsi que des règles 23 et 24 du Règlement d’exécution de cette convention, que si une demande de brevet peut faire l’objet d’une licence, la demande de brevet en tant qu’objet de propriété est soumise à la législation nationale applicable dans l’Etat contractant désigné.
Or, l’article L613-9 du Code de la propriété intellectuelle applicable à la date des faits reprochés disposait que tous les actes « modifiant les droits attachés à une demande de brevet (…) doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur un registre (…) ». Et d’en déduire que, « jusqu’à la date de délivrance définitive d’un brevet européen, un licencié n’est recevable à agir en contrefaçon qu’à la condition que son contrat de licence soit inscrit au registre européen des brevets ».
La sanction est sévère : en effet, le défaut d’inscription de la licence conclue fait ainsi perdre au licencié toute qualité à agir en contrefaçon au terme de dix-sept années de procédure !
Il convient toutefois de relever que, désormais, l’article L613-9 du Code de la propriété intellectuelle permet expressément au licencié non inscrit, sinon d’engager lui-même l’action en contrefaçon, à tout le moins d’intervenir « dans l’instance en contrefaçon engagée par le propriétaire du brevet afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre ».
La solution, rendue sous l’empire de cette nouvelle rédaction, eut donc pu être différente, dans la mesure où le licencié avait agi concomitamment au titulaire du brevet…encore que…par mesure de sécurité, on ne saura que trop préconiser aux licenciés et autres bénéficiaires de droits sur un brevet ou une demande de brevet de faire inscrire l’acte de transmission ou de modification de ces droits au registre des brevets correspondant…