Par un arrêt du 9 septembre 2020, le Conseil d’État remet en cause la doctrine administrative limitant l’application du CIR (crédit impôt recherche) aux sous-traitants.
Il annule le deuxième alinéa du paragraphe 220 des commentaires administratifs publiés au Bofip, Bulletin officiel des finances publiques impôts, sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 ainsi que l’illustration chiffrée figurant à la suite de cet alinéa sous la dénomination « Exemple ».
Contestation de la doctrine administrative limitant l’application du CIR aux sous-traitants
Dans ce texte, l’administration fiscale avait supprimé la possibilité pour les entreprises sous-traitantes agréées par le ministère de la recherche d’inclure dans leur déclaration de crédit impôt recherche (CIR), les projets de recherche et développement non valorisés par leurs clients privés français, même si ceux-ci y renoncent expressément ou sont au plafond.
La doctrine jusqu’alors en vigueur depuis le 8 février 2000 prévoyait que, dans le cas où le client privé ne bénéficiait pas lui-même du CIR, la société effectuant les prestations pouvait inclure les sommes correspondantes dans la base de calcul de son propre CIR.
C’est dans ce cadre que la société T. a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du paragraphe 220 de ces commentaires, par lesquels l’administration donne son interprétation des dispositions du III de l’article 244 quater B du Code général des impôts (CGI).
Plus particulièrement, l’annulation demandée concernait le deuxième alinéa du paragraphe 220 (en p.8) des commentaires litigieux, lequel énonce que les organismes de recherche privés agréés mentionnés au d bis du II de l’article 244 quater B du CGI doivent :
« (…) déduire de la base de calcul de son propre crédit d’impôt recherche les sommes reçues des organismes pour lesquels les opérations de recherche sont réalisées et facturées (CGI, art. 244 quater B, III). Cette disposition a pour objet d’éviter que les mêmes opérations de recherche ouvrent droit deux fois au crédit d’impôt.
Exemple :
L’entreprise A commande à un organisme agréé B une opération de recherche spécifique. En rémunération de la prestation fournie, A verse à B la somme de 10 000 €.
L’entreprise A prendra en compte dans la base de calcul de son crédit d’impôt la somme de 10 000 €.
En contrepartie, l’organisme B déduira de la base de calcul de son propre crédit d’impôt la même somme de 10 000 €. »
Pour rappel, l’article 244 quater B du CGI, dans sa rédaction applicable à la date des commentaires administratifs attaqués, prévoit, que les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application de certains dispositifs du CGI peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année.
De même, en application de cet article une entreprise peut prendre en compte dans la base de calcul de son CIR les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de recherche confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministère de la recherche dans la limite des plafonds prévus aux d bis et d ter du II de l’article 244 quater B du CGI.
Annulation par le Conseil d’État
Dans sa décision précitée, le Conseil d’État a considéré que :
- les commentaires administratifs attaqués ajoutaient à la loi en ce que, en énonçant au deuxième alinéa de leur paragraphe 220 que les organismes de recherche privés agréés doivent « déduire » de la base de calcul de leur crédit d’impôt recherche les sommes reçues des donneurs d’ordre pour le compte desquels ils réalisent des opérations de recherche ainsi qu’il ressort de l’exemple qui suit ces commentaires ;
- ceux-ci interprètent la loi fiscale comme ayant pour effet d’obliger les organismes de recherche privés agréés sous-traitant à inclure dans la base de leur crédit d’impôt le montant des dépenses éligibles réalisées dans le cadre d’opérations de recherche conduites pour le compte de tiers éligibles, avant de déduire de cette base le montant total des sommes facturées en rémunération de ces prestations.
Les commentaires administratifs en litige sont donc entachés d’incompétence en tant qu’ils énoncent la règle contenue dans le deuxième alinéa du paragraphe 220, illustrée par l’exemple chiffré figurant à sa suite, fondant ainsi l’annulation demandée par la société T.
Par conséquent, le Conseil d’Etat annule le deuxième alinéa du paragraphe 220 des commentaires administratifs publiés au BOFIP sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 et l’illustration chiffrée figurant à la suite de cet alinéa sous la dénomination « Exemple ».
Pierre-Yves Fagot
Marielle Ouattara
Lexing Droit de l’entreprise
(1) Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 09-09-2020, n° 440523.