L’Anses a publié en juin un avis relatif aux perturbations des dispositifs médicaux par les radiofréquences (1).
L’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail est à mettre en parallèle avec son rapport d’expertise d’avril 2016 (2) relatif à la compatibilité électromagnétique des dispositifs médicaux exposés à des sources de fréquences.
Expertise de l’Anses sur la compatibilité électromagnétique des dispositifs médicaux exposés à des radiofréquences
L’Anses a été saisie le 12 juillet 2011 par la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) pour la réalisation d’une expertise visant à évaluer la « compatibilité électromagnétique des dispositifs médicaux exposés à des sources radiofréquences ».
Dans le rapport d’expertise la compatibilité électromagnétique (CEM) est définie comme l’aptitude d’un dispositif (DM) à fonctionner de façon satisfaisante, c’est-à-dire à remplir les fonctions prévues, dans un environnement électromagnétique donné.
Le rapport d’expertise distingue à cet effet deux environnements particuliers :
- les établissements de santé, dans lesquels sont présents de nombreux dispositifs médicaux, ainsi que plusieurs types de sources de champs électromagnétiques ;
- l’environnement hors milieu hospitalier, milieu de vie des patients porteurs d’un dispositif médical implanté actif.
Rappel de la réglementation en vigueur
L’utilisation des téléphones portables dans les hôpitaux a déjà fait l’objet d’une circulaire DH/EM 1 n°40 du 9 octobre 1995 relative aux perturbations électromagnétiques engendrées par les téléphones mobiles cellulaires pour certains dispositifs médicaux (DM) (3).
Cette circulaire alerte sur les risques d’interférences des champs électromagnétiques émis par les téléphones portables avec les dispositifs médicaux.
Elle invite les établissements de santé à prendre des dispositions permettant d’informer leur personnel et les patients de ce danger potentiel.
Elle insiste sur la nécessité d’éteindre son téléphone mobile dans les services de soin.
En 2003, une étude du Comité d’évaluation et de diffusion des innovations technologiques (CEDIT), indiquait que les interférences causées par l’utilisation de téléphones portables ne perturberaient pas les dispositifs médicaux à une distance supérieure à 1,5 mètre et ne présenteraient pas de danger, sous réserve de certaines précautions à prendre pour les porteurs d’implants médicaux actifs.
Ces conclusions ont parfois conduit à l’assouplissement des interdictions au sein de certains établissements de santé.
L’expertise de l’Anses met en avant le décalage entre la circulaire de 1995 et la réalité d’usage des téléphones portables.
Recommandations relatives à la minimisation des risques d’interférences avec les dispositifs médicaux
L’Anses recommande dans son rapport d’expertise et dans son avis de juin 2016 que les établissements de soins mettent en œuvre des mesures visant à minimiser les risques d’interférences avec les dispositifs médicaux :
- pour les patients, visiteurs et personnels médicaux utilisant les téléphones portables pour des raisons personnelles : les téléphones portables devraient être éteints dans les lieux comportant des dispositifs électromédicaux à fonction critique ou servant au maintien de la vie (unités de soins intensifs, blocs opératoires, néonatalogie, services d’urgence, etc.), ainsi qu’à proximité des lits de patients connectés à des dispositifs électromédicaux ;
- pour les personnels médicaux utilisant leur téléphone mobile pour des raisons professionnelles, les appels ne devraient pas être passés à proximité d’appareils électromédicaux.
Zone d’usage des systèmes de communication sans fil
L’Anses recommande également la mise en place de trois types de zone d’usage :
- zone d’usage autorisé ;
- zone d’usage limité ;
- zone d’usage interdit.
L’Anses précise que la définition précise d’un tel zonage devrait relever de la responsabilité de chaque établissement hospitalier, avec l’appui de son responsable de la gestion des risques.
Dans son rapport d’expertise l’Anses cite la Canadian Agency for Drug and Technologies in Health qui a proposé en 2011, la mise en place de trois types d’aires :
- des aires sans restriction d’utilisation ;
- des aires d’utilisation limitée en respectant une distance de 1 mètre minimum entre un dispositif médical et des systèmes de communication sans fil ;
- des aires d’utilisation strictement interdite comme les unités de soins intensifs, blocs opératoires ou services d’accueil des urgences.
Distance entre dispositif médical (DM) et émetteur de radiofréquences
L’Anses a adopté des recommandations en fonction des types d’environnements des dispositifs médicaux ou implants médicaux actifs :
- une identification des situations spécifiques d’interactions potentielles avec des sources électromagnétiques (milieu hospitalier, service, patient porteur d’implant, etc.) est nécessaire ;
- des analyses approfondies des situations potentielles d’interactions entre les DM et des dispositifs de communication ou nouvelles technologies présentant un intérêt essentiel pour les praticiens devraient être réalisées ;
- le degré de criticité d’un DM est un élément essentiel de décision, notamment au regard des restrictions d’accès à des sources mobiles ou non (bloc chirurgical, unités de soins intensifs).
Dans tous les cas, l’Anses recommande de ne pas poser de téléphone mobile directement sur un DM et de s’en éloigner le plus possible lors des appels téléphoniques, dans la mesure du possible, compte tenu des dimensions d’une chambre d’hôpital.
Concernant les dispositifs médicaux implantables, tels que les stimulateurs cardiaques, l’Anses recommande d’indiquer des recommandations concernant les distances à respecter en cas d’utilisation de téléphones portables (ne pas mettre le téléphone dans la poche de poitrine du côté de l’implant, téléphoner avec l’oreille opposée soient présentes dans les livrets d’informations ou les notices d’utilisation remis aux patients.
L’Anses recommande également aux fabricants de donner des indications claires sur les niveaux d’immunité par bande de fréquence et les distances à respecter vis-à-vis des appareils de télécommunication sans fil.
Pour limiter les perturbations des dispositifs médicaux implantables, une distance minimale de 15 cm entre ces implants et tout aimant, notamment ceux qui équipent les hauts parleurs, les écouteurs de téléphone ou d’appareil musicaux est recommandée.
Information des patients et formation des professionnels de santé
Dans son avis de juin 2016, l’Anses précise que l’amélioration de l’information des patients porteurs de dispositifs médicaux implantables est très importante, notamment sur les précautions à prendre vis-à-vis de leur environnement électromagnétique.
L’Anses recommande de mettre en place un format obligatoire de notice, de manière à rendre ces recommandations facilement lisibles par les patients porteurs de dispositifs médicaux implantables.
Selon l’Anses l’information passe également par la formation des professionnels de santé afin de permettre aux praticiens hospitaliers de savoir analyser le rapport bénéfice / risque pour les patients avant de pratiquer certains gestes thérapeutiques ou de diagnostic amenant à mettre en présence d’un dispositif médical implantable et un émetteur radiofréquences.
Didier Gazagne
Audrey Jouhanet
Lexing Risques technologiques et Concurrence
(1) Anses, avis du 13-6-2016 sur la perturbation des dispositifs médicaux par les radiofréquences : des pratiques à adapter à chaque situation.
(2) Anses, rapport d’expertise collective sur la compatibilité électromagnétique des dispositifs médicaux exposés à des sources radiofréquences, 4-2016.
(3) Circulaire DH/EM 1 n°40 du 9-10-1995.