La stratégie de nombreuses entreprises passe par la mise en place d’une plateforme et la création d’un écosystème d’API (Application Programming Interface).
Les API permettent plus de réactivité pour le développement des applications clients, et une meilleure adaptation à leurs usages. Les enjeux juridiques devraient faire partie intégrante d’une telle stratégie d’entreprise.
L’étude Tech Trends 2015 publiée par le cabinet Deloitte identifie l’API economy comme une tendance majeure, et dénombre plus de 10.000 API publiques (1). Les APIs concernent tous les secteurs :
- le web et notamment les réseaux sociaux ;
- le commerce électronique en exploitant la puissance du Big Data ;
- les télécommunications ;
- les objets connectés ;
- les services de localisation, avec Google Maps en première ligne ou encore dans le secteur des transports avec les services de voiture avec chauffeur ;
- ou encore les Apis bancaires.
Cet essor ne doit pas pour autant occulter les enjeux juridiques sous-jacents, qui doivent être pris en compte dans le cadre du développement de nouveaux modèles économiques. En effet, le régime juridique des API et leur protection par le droit d’auteur demeure une question délicate, bien que structurante (2).
En effet, si une API est originale, elle peut être protégée par le droit d’auteur. En revanche, la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur et le langage de programmation ne bénéficient pas de cette protection, comme jugé par la Cour de justice de l’Union européenne en 2012. L’acquéreur d’une licence d’un programme a donc, en principe, le droit d’observer, d’étudier ou de tester son fonctionnement afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de celui-ci (3).
En 2014, la Cour d’appel des Etats-Unis s’est également penchée sur cette question. Elle a apprécié si l’API présentait un degré de généricité tel qu’elle n’est pas appropriables par le droit d’auteur, ou si elle constitue une œuvre de langage suffisamment structurée et matérialisée pour être éligibles à la protection par le droit d’auteur (4). En l’espèce c’est cette dernière qualification qui a été retenue. En revanche, la Cour a renvoyé l’affaire devant un jury pour qu’il soit statué sur les conditions de l’exercice de ce droit et notamment pour déterminer si l’adaptation d’une API pour des nécessités techniques peut relever de l’exception américaine du fair use.
En tout état de cause, une gestion rigoureuse des licences est incontournable, que ce soit pour les éditeurs ou leurs partenaires développeurs d’API. De nombreuses API sont proposées sous licence libre, mais quel que soit le type de licence, un audit permet de s’assurer du respect des conditions de licence applicables.
Benoit de Roquefeuil
Katharina Berbett
Lexing Contentieux informatique
(1) Deloitte, Tech Trends 2015
(2) Benoit de Roquefeuil, »La protection des API menace-t-elle le génie logiciel ? », IT-Expert Magazine, 14-11-2014
(3) CJUE 2-5-2012, Aff. C 406/10 SAS Institute Inc c World Programming Ltd
(4) CA Federal Circuit US 9-5-2014, Oracle America Inc v Google Inc.