Par arrêt du 28 mars 2018, la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence sur l’élément intentionnel du délit d’ appels téléphoniques malveillants réitérés ; l’occasion de faire le point sur ce délit (1).
Le délit d’ appels téléphoniques malveillants réitérés en deux mots
L’article 222-16 du Code pénal (2) réprime le délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Sur l’élément matériel, la jurisprudence précise que deux appels téléphoniques successifs suffisent à caractériser la condition de réitération (3). En revanche, la caractérisation de l’élément intentionnel pose plus de difficultés. La jurisprudence commentée apporte sur cette question un point final au débat.
Contexte du délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés dans la décision commentée
Les faits de l’espèce sont les suivants. Entre 2010 et 2013, un ancien délégué syndical a adressé au secrétaire général de la CFDT plus de deux mille appels téléphoniques. Ce dernier a tenté d’obtenir le soutien de la CFDT dans un litige l’opposant à son employeur, qui l’a licencié.
Le prévenu a alors été renvoyé devant le tribunal correctionnel et a été relaxé du chef d’appels téléphoniques malveillants réitérés pour absence d’élément intentionnel. La cour d’appel a quant à elle infirmé cette décision en déduisant de la multiplicité des appels l’élément intentionnel du délit et déclaré le prévenu coupable du délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés au préjudice de la CFDT.
Le prévenu a alors formé un pourvoi en cassation notamment sur le fondement de l’article 222-16 du Code pénal relatif au délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés. Si le prévenu reconnaissait les faits, il réfutait tout caractère malveillant. Il avançait ainsi que la cour d’appel n’avait pas indiqué en quoi les appels litigieux avaient eu pour objet ou pour effet de troubler la tranquillité de la CFDT.
Confirmation de la jurisprudence sur l’élément intentionnel du délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés
La Cour de cassation tranche la question et juge que « l’article 222-16 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 18 mars 2003, n’exige pas, pour réprimer les appels téléphoniques malveillants réitérés, qu’ils aient été émis en vue de troubler la tranquillité d’autrui ».
L’indifférence du mobile du prévenu dans la caractérisation de l’élément intentionnel du délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés
La Cour de cassation confirme le caractère malveillant de ces appels « quels qu’en puissent être les motifs, à les supposer légitimes » et rejette ainsi l’argumentaire du prévenu.
En effet, l’occupation des lignes téléphoniques de la CFDT ne pouvait que nuire au bon fonctionnement et à l’exercice normal par cette confédération syndicale de ses activités.
L’absence d’exigence de la commission du délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés émis en vue de troubler la tranquillité d’autrui
Dans sa décision, la Cour de cassation confirme l’absence d’exigence pour réprimer le délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés, qu’ils aient été ou non émis en vue de troubler la tranquillité d’autrui.
En effet, la caractérisation de l’élément intentionnel posait quelques difficultés notamment par l’utilisation de l’expression « en vue de troubler la tranquillité d’autrui » dans l’article 222-16 du Code pénal. Cette rédaction pouvait laisser à penser qu’il s’agissait d’une condition nécessaire pour réprimer le délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés.
Dans une décision antérieure, la Cour de cassation avait déjà affirmé que l’intention de troubler la tranquillité de la personne visée, tout comme le caractère malveillant, se déduit de l’élément matériel (4).
La Cour de cassation vient expressément confirmer cette jurisprudence ; l’élément intentionnel du délit d’appels téléphoniques malveillants réitérés se déduit de l’élément matériel.
Lexing Alain Bensoussan Avocats
Lexing Contentieux numérique
(1) Cass. crim., 28-3-2018, n°17-81232.
(2) C. pén., art. 222-16.
(3) Cass. crim., 4-3-2003, n°02-86172.
(4) Cass. crim., 17-1-2012, n°11-81756.