Le Tribunal de grande instance de Paris se prononce sur l’application de la LCEN à l’hébergeur de données personnelles.
Le 3 mars 2017, un internaute a notifié, sur le fondement de l’article 6-5 de la LCEN, à l’hébergeur d’un site, des contenus constitués notamment par des données à caractère personnel qui lui étaient propres, et dont il sollicitait la suppression.
Le 23 mars 2017, il a assigné l’hébergeur en référé afin de voir ce dernier contraint de retirer les contenus visés.
L’hébergeur fournissait, le même jour, une réponse, par lettre officielle, lui précisant que sa notification initiale ne respectait pas les prévisions de l’article 6-5 de la LCEN.
La présence de données à caractère personnel n’écarte pas l’application du régime dérogatoire de responsabilité prévu par la LCEN
Le Tribunal de grande instance de Paris (1), se prononce sur l’application, en l’espèce, du régime dérogatoire de responsabilité des intermédiaires techniques prévu par l’article 6-I 3 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique qui prévoit que :
3. Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.
Il constate que la nature des données hébergées n’écarte pas l’application de ce régime.
Ainsi, pour pouvoir voir sa responsabilité engagée, l’hébergeur de données à caractère personnel doit avoir connaissance du contenu qu’il héberge et ne pas avoir promptement réagi en présence d’une information ou d’une activité illicite.
Cette connaissance n’est établie que dès lors que l’internaute lui fournit l’ensemble des informations prévues à l’article 6-1 5 qui prévoit :
5. La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il leur est notifié les éléments suivants :
– la date de la notification ;
– si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
– les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
– la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
– les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
– la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.
L’invalidité de la demande au sens de la LCEN
En l’espèce, la notification faite à l’hébergeur, le 3 mars 2017, ne contenait pas « la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté ».
Le Tribunal de grande instance a notamment pu observer, au regard des écritures des parties, que l’éditeur des contenus avait été assigné le 6 juin 2017, soit postérieurement à l’assignation délivrée le 23 mars 2017 contre l’hébergeur.
Le Tribunal de grande instance a ainsi considéré que, « la lettre de mise en demeure » destinée à la société Oxeva, hébergeur de données personnelles, ne contenait pas, exactement, toutes les mentions prévues par la loi pour la confiance de l’économie numérique. Il constate par la suite que le demandeur n’a pas justifié une notification de contenu illicite relative aux différents sites.
Le Tribunal de grande instance a en conséquence, considéré que :
Au regard de l’ensemble de ces éléments, sans qu’il y ait lieu d’évoquer les autres moyens soulevés, le demandeur sera débouté de ses demandes, n’établissant pas, alors que la société défenderesse est hébergeur de contenus, la notification préalable de contenus illicites au sens de la loi du 21 juin 2004, de sorte que la responsabilité civile de la société Oxeva ne peut être engagée.
Virginie Bensoussan-Brulé
Raphaël Liotier
Lexing Contentieux numérique
(1) TGI de Paris, Ordonnance de référé du 18-5-2018