L’Arcep a décidé d’ouvrir le 27 mai 2014 cinq enquêtes administratives relatives au déploiement des quatre réseaux mobiles 3G (Bouygues Télécom (1), Free Mobile (2), Orange, SFR (3)) et à la qualité des services fixes (marché entreprise (4) et service universel (5)) de la société Orange. L’objectif de l’Arcep est de s’assurer du respect par ces opérateurs des obligations qui leur sont imposées par la loi.
En cas de manquement avéré, rappelons que l’Arcep dispose d’un pouvoir de sanction rétabli depuis mars 2014 en vertu d’une ordonnance (6) adoptée à la suite de la sanction de cette prérogative par le Conseil constitutionnel en juillet 2013 (7).
Impartialité de la procédure. Les compétences de l’Arcep étant exercées par trois formations distinctes depuis l’ordonnance 2014-329 du 12 mars 2014, seule la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction (RDPI), composée de quatre membres de l’Arcep, dont le président, est compétente pour adopter les décisions d’enquête prise sur le fondement de l’article L 32-4 du CPCE. Le pouvoir de sanction est exercé en revanche par une autre formation restreinte distincte composée de trois autres membres de l’Arcep (8).
Garantie des droits des opérateurs télécoms. L’organisation de l’Arcep n’ignore ainsi pas une certaine séparation des pouvoirs de poursuite, d’instruction et de sanction, mais les enquêtes menées par l’Arcep ne sont pas des procédures juridictionnelles, même si elles leur ressemblent : les pouvoirs dont elle dispose sont en effet comparables à ceux attribués au juge judiciaire d’instruction dans le cadre de la procédure pénale.
Dans un domaine d’intervention plus restreint que celui du juge judiciaire, ils permettent à l’Arcep ou à ses agents d’obtenir toute information, d’avoir communication et copie de pièces ou de documents, de se transporter sur place et de procéder à des auditions (9). Ces agents peuvent même étendre leurs investigations dans des lieux qui ne sont plus professionnels, notamment des domiciles, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (10).
Toute enquête administrative suppose également :
- l’existence d’un ordre de mission signé par l’Arcep ;
- le fait que les enquêteurs doivent, sauf exception dûment justifiée, laisser les originaux des documents reçus en copie à la disposition de la personne faisant l’objet de l’enquête. L’Arcep ne peut conserver que les documents utiles à l’enquête, lesquels doivent, sur simple demande des opérateurs télécoms et sauf opposition tenant aux nécessités de la procédure, leur être restitué ;
- que toute mesure d’enquête doit être relatée dans un procès-verbal signé par l’Arcep (même si aucun fait susceptible de constituer des manquements ou une infraction réglementaire n’est constaté), dont une en copie doit être remise à l’opérateur télécoms concernés, comportant certains éléments obligatoires (date, lieu, nature des constatations opérées, déroulé des opérations, pièces recueillies, éventuels incidents, explications ou observations de la personne concernée et mention de ce que celle-ci a été informée de ses droits).
Critique. On regrette toutefois que le CPCE n’impose pas à l’Arcep d’autres garanties des droits des opérateurs télécoms, notamment :
- la fixation d’un délai d’enquête (qui pourrait par exemple être d’un an maximum) dans sa décision d’enquête et dans les ordres de mission ;
- l’information des opérateurs télécoms mis en cause des suites données aux investigations, notamment de l’utilisation des éléments recueillis au cours d’une enquête à d’autres fins que celles assignées aux enquêteurs et notamment, dans une autre procédure, concomitante ou ultérieure.
Frédéric Forster
Edouard Lemoalle
Lexing Droit Télécoms
(1) Décis. 2014-0625-RDPI du 27-5-2014.
(2) Décis 2014-0623-RDPI du 27-5-2014.
(3) Décis 2014-0624-RDPI du 27-5-2014.
(4) Décis 2014-0626-RDPI du 27-5-2014.
(5) Décis 2014-0627-RDPI du 27-5-2014.
(6) Ord. 2014-329 du 12-3-2014 relative à l’économie numérique.
(7) Décis 2013-331 QPC du 5-7-2013, Sté Numéricâble SAS et autre.
(8) CPCE, art L 36-11.
(9) CPCE, art L 32-4.
(10) CPCE, art L 32-5.