Archive actualité 3 décembre 2007

Actualité

Mission Olivennes : un accord historique

Depuis le 5 septembre 2007, la commission présidée par le président de la FNAC, Denis Olivennes, se penche à la demande du Gouvernement sur l’épineuse question du piratage et du téléchargement illégal des œuvres. Son objectif est de proposer des solutions alternatives à la répression judiciaire de la contrefaçon, ainsi que des mesures de nature à favoriser le développement de l’offre de téléchargement légale. A l’issue d’une consultation des industries culturelles, des opérateurs de télécommunications et des associations de consommateurs, la mission Olivennes a présenté à l’Elysées le 23 novembre 2007 le fruit de ses travaux : un «rapport sur le développement et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux» et surtout un «accord interprofessionnel pour le développement et la protection des oeuvres et programmes culturels sur les nouveaux réseaux».

Après avoir fourni des indicateurs de mesure de l’impact économique du piratage numérique en France et fait l’inventaire des outils juridiques et techniques existants susceptibles d’être mis en œuvre pour lutter contre la contrefaçon, le rapport insiste sur la nécessité de rendre l’offre légale sur internet plus attractive, que ce soit en terme de contenu mais aussi de facilité d’usage et de prix. Il est notamment proposé à cet égard d’accélérer la mise à disposition des œuvres en VOD et d’élargir l’offre d’œuvres non protégées par des DRM, ainsi qu’une diminution du taux de la TVA sur les produits culturels. Corollairement, le rapport préconise des mesures de nature à décourager l’offre illégale : dispositifs de filtrage des contenus et des fichiers pirates par les fournisseurs d’accès, meilleure organisation des ayants droits, mécanismes d’avertissement, sanctions graduées allant jusqu’à la suspension ou la résiliation des contrats d’abonnement à internet.

Les auteurs du rapport soulignent encore la nécessité de prendre rapidement les décrets prévus tant dans le cadre de la loi DADVSI ( article L 336-2 relatif aux modalité de diffusion des messages de sensibilisation des internautes) que de la loi du 29 octobre 2007 sur la contrefaçon ( liste des juridiction spécialisées).

L’accord interprofessionnel reprend à son compte ces préconisations. Les parties à l’accord prennent des engagements respectifs : les pouvoirs publics de proposer les textes appropriés, les ayants droits (de l’audiovisuel, du cinéma, de la musique, les chaînes de télévision) de s’organiser et d’améliorer l’offre légale, les prestataires techniques de collaborer activement au dispositif global.

Parmi ces engagements, on remarquera en particulier :

  • la mise en place d’une autorité publique spécialisée, placée sous l’autorité du juge, chargée de piloter le mécanisme de riposte graduée, lequel «devrait reposer sur le principe de la responsabilité de l’abonné du fait de l’utilisation frauduleuse de son accès» ;
  • la constitution, après avis la Cnil, d’un répertoire national des abonnés dont le contrat a été résilié ;
  • une collaboration entre ayants droits et plate-forme d’hébergement et de partage des contenus pour mettre en oeuvre des techniques de traçabilité des œuvres numériques, impliquant la mise à disposition des sources pour que puissent être créés «des catalogues d’empreintes de référence aussi larges que possible» ;
  • une accélération de la chronologie de l’exploitation des œuvres cinématographiques en vidéo, et l’alignement de la «fenêtre» de la VOD sur celle du DVD ;
  • dans le délai d’un an, la disponibilité des catalogues de productions musicales françaises sans mesures techniques de protection ;
  • la généralisation par les plates-formes d’hébergement et de partage de contenus de l’emploi des techniques de reconnaissance de contenus et de filtrage.

    En dépit de certaines critiques, notamment énoncées par des associations de consommateurs, on ne peut que saluer un accord historique qui réunit les principaux acteurs de l’action culturelle, et a le mérite de proposer des solutions concrètes et pragmatiques quand le Code de la propriété intellectuelle a montré ses limites.

    Bien évidemment, les impacts juridiques de ces propositions sont considérables, et d’ailleurs clairement identifiés dans le rapport : respect des libertés individuelles, protection des données personnelles, responsabilité des intermédiaires techniques, contrefaçon… C’est donc avec la plus extrême attention que l’on suivra la mise en œuvre effective de ces mesures.

    Texte

    Laurence Tellier-Loniewski

    Avocate, Directrice du pôle Propriété intellectuelle

    laurence-tellier-loniewski@lexing.law

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