Edito
Les pouvoirs de sanction de l’Hadopi déclarés inconstitutionnels |
Pas de suspensions automatiques de l’abonnement internet
Le Conseil constitutionnel vient de censurer les pouvoirs de sanction de l’Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet). Dans sa décision du 10 juin 2009 (1), le Conseil affirme, tout d’abord, la constitutionnalité de l’obligation générale de surveillance mise à la charge de tout titulaire d’un accès à internet, qui doit veiller à ce que son accès ne soit pas utilisé à des fins de contrefaçon (2). En revanche, il considère qu’est inconstitutionnel le principe selon lequel le titulaire de l’accès est responsable de tout acte de contrefaçon commis grâce à sa connexion, sauf s’il démontre qu’il a mis en œuvre l’un des moyens de sécurisation labellisés par l’Hadopi, qu’il y a eu une utilisation frauduleuse de sa connexion ou encore qu’il existe un cas de force majeure. Pour le Conseil, ce renversement de la charge de la preuve induit, à l’encontre du titulaire de l’accès à internet, une présomption de culpabilité contraire à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le Conseil considère que la coupure de l’accès à internet, comme sanction des manquements à l’obligation de surveillance, est inconstitutionnelle, en ce qu’elle est prononcée par l’Hadopi. Le droit à la libre communication des pensées et des opinions, reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (art. 11), implique la liberté d’accès aux services de communication au public en ligne. Seule une juridiction peut avoir le pouvoir de restreindre l’exercice de cette liberté.
La partie non censurée d’Hadopi promulguée
Le Conseil a validé la disposition permettant aux titulaires de droits de propriété intellectuelle, en présence d’un site contrefaisant, de saisir le tribunal de grande instance (éventuellement en référé) afin de le voir prononcer toute mesure propre à prévenir ou à faire cesser les actes de contrefaçon (3). Cette disposition ne constitue pas une nouveauté ; depuis 2004, la loi pour la confiance dans l’économie numérique offre une telle possibilité et autorise même l’autorité judiciaire à intervenir dans le cadre d’une procédure non contradictoire (par requête) (art. 6 I de la LCEN). La loi a été promulguée, pour sa partie non censurée, le 12 juin 2009. Elle comporte notamment un ensemble de dispositions venant modifier, de manière importante, le régime des droits des journalistes sur leurs articles de presse. Le Gouvernement a, par ailleurs, annoncé qu’un texte sur les sanctions devrait prochainement être proposé.
(1) Déc. n°2009-580 DC du 10-6-2009
(2) Art. 11 de la loi et 1er al. du futur art. L. 336-3 du CPI
(3) Art. 10 de la loi et futur art. L.336-2 du CPI
Laurence Tellier-Loniewski
Avocate, Directrice du pôle Propriété intellectuelle
laurence-tellier-loniewski@lexing.law
Anne Belmont
Avocate, Collaboratrice au sein du pôle Propriété intellectuelle
anne-belmont@lexing.law
Paru dans la JTIT n°90-91/2009
(Mise en ligne Juillet 2009)