Edito
Vers la valorisation des dépôts de brevets stratégiques |
Renforcer la sécurité juridique des titulaires de brevet
La procédure d’enregistrement des brevets français ne comporte pas d’examen contradictoire relatif à la brevetabilité des demandes mais la simple élaboration d’un rapport de recherche par l’OEB. L’absence d’analyse de brevetabilité approfondie entraîne l’octroi de brevets dont les revendications ne correspondent pas nécessairement à l’apport réel de l’invention à l’état de la technique, notamment lorsque le demandeur ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour confier la protection de ses inventions à un professionnel de la propriété industrielle. Mal formulé ou rédigé de manière imprécise, le brevet opposé dans le cadre d’une action en contrefaçon risque d’être annulé pour défaut de brevetabilité ou pour insuffisance de description même s’il porte sur une invention significative. Fort de ce constat et face au développement de la dématérialisation de l’économie, le législateur a introduit, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie (1), la possibilité de modifier l’étendue de la protection d’un brevet délivré sans renoncer à sa protection.
La mise en place d’un contrôle qualitatif a posteriori
Transposées au sein du Code de la propriété intellectuelle (2), ces dispositions s’inspirent directement de la nouvelle version de la Convention de Munich. Désormais, le titulaire d’un brevet a donc la possibilité, à tout moment, de modifier une ou plusieurs revendications du brevet enregistré pour en limiter la portée, par une simple requête auprès de l’INPI. Ce mécanisme devrait permettre de limiter les risques d’annulation judiciaire des brevets maladroitement rédigés sans toutefois permettre aux brevets réellement dépourvus de nouveauté ou d’activité inventive, d’échapper à la sanction de l’annulation. Instaurant un contrôle qualitatif a posteriori mis en œuvre par le titulaire lui-même, ces dispositions devraient inciter les entreprises innovantes à déposer davantage de brevets stratégiques et favoriser le développement d’une politique de valorisation de l’innovation. Corollaire de cette politique, les entreprises devront se méfier du « patent trolling », pratique importée des Etats-Unis visant à multiplier les dépôts de brevets sans valeur à des fins spéculatives par le biais de licences imposées sous la menace d’action judiciaire. La loi a introduit des sanctions financières contre l’usage abusif de ces nouvelles dispositions.
(1) Loi n°2008-779 du 4 août 2008
(2) CPI, art. L613-24 et L614-12
Virginie Brunot
Avocate, Directrice du département Propriété industrielle – contentieux
virginie-brunot@lexing.law
Paru dans la JTIT n°83/2008