Le secret médical et ses limites à l’égard du Fisc
Paru dans l’Usine Nouvelle le 16 décembre 2004
Eric Boulanger
Enjeu : Respecter le droit de communication de l’administration fiscale au regard du secret médical.
Mise en œuvre : Les documents comptables transmis à l’administration ne doivent comporter aucune indication, même sommaire ou codée, concernant la nature des prestations médicales fournies.
L’absolutisme du secret médical n’existe pas à l’égard de l’administration fiscale. C’est ce que vient de rappeler récemment le Conseil d’Etat dans un arrêt de cassation rendu le 7 juillet 2004 . Si le secret médical est une réalité, l’administration peut toutefois avoir accès à des documents comportant le nom des patients s’ils ne contiennent pas de mention sur la nature des prestations fournies. Cette décision a été rendu sous l’empire de l’ancien article 378 du Code pénal qui prévoyait que les médecins, chirurgiens et autre officiers de santé, ainsi que les pharmaciens et toutes personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu’on leur confie qui, hors les cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à six mois et d’une amende. Le nouveau Code pénal bien que plus succinct, reprend cette obligation au secret professionnel. Il s’agit de l’article 226-13 en matière d’atteinte au secret professionnel qui dispose que la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Cet article est applicable au secret professionnel et tout comme l’ancien code pénal, il prévoit que ce secret n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise sa révélation. Et, en matière fiscale, il existe de nombreux textes permettant de faire échec au secret professionnel et en particulier au secret médical. C’est ce que rappelle la haute juridiction dans son arrêt du 7 juillet 2004.
Il s’agit tout d’abord des documents comptables. Ainsi, le Code général des impôts impose que les documents comptables tenus par les adhérents des associations de gestion agréée mentionnent, quelle que soit la profession de leur adhérent, l’identité du client et limite le secret professionnel dont pouvaient notamment se prévaloir les professions médicales, afin de faciliter le contrôle de leurs revenus dans le cadre de la procédure d’imposition (Art. 164 quater G). Peuvent avoir accès à ces informations les agents vérificateurs et toutes les personnes auxquelles les dispositions légales donnent mission de concourir à la présentation d’imposition, telles que les membres de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Le secret médical ne peut dès lors être opposé lorsque le nom des clients figure sur des documents comptables.
Mais pour autant, le droit de communication de l’administration n’est pas absolu et trouve ses limites lorsqu’il touche l’essence même du secret, c’est-à-dire à la nature de la prestation. Ce principe figure sous l’article L. 86 A du Livre des procédures fiscales qui prévoit que la nature des prestations fournies ne peut faire l’objet de demandes de renseignements de la part de l’administration des impôts lorsque le contribuable est membre d’une profession non commerciale soumis au secret professionnel en application des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal. C’est ce principe que vient de rappeler le Conseil d’Etat en sanctionnant le fait, pour un vérificateur, de s’être fait communiquer par une caisse primaire d’assurance maladie des feuilles de soins et des relevés qui, outre les renseignements sur le paiement des actes effectués et le nom des patients, comportaient également la cotation des actes médicaux effectués pour chacun des patients désignés par leur nom. Si l’administration peut donc avoir accès à des documents comptables ou non, même nominatifs, c’est à la condition toutefois que ce document ne comporte aucune indication, même sommaire ou codée, concernant la nature des prestations médicales fournies aux clients. Mais a contrario, l’administration peut être autorisée à accéder à des documents non comptables et même nominatifs si la nature de l’acte n’est pas susceptible d’être révélée. Aussi, sous couvert d’un rappel de principe, le Conseil d’Etat permet de restreindre le champ d’application des documents couverts par le secret médical en autorisant le droit de communication aux documents non comptables.
« Eric Boulanger »
Avocat-Directeur du département Fiscal et Droit des sociétés
eric-boulanger@lexing.law