Les outils de modélisation électronique des données du bâtiment (BIM) sont en cours de développement en France.
Cette poussée technologique résulte de la transposition de la Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 (1), par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (2) et le décret d’application n° 2016-360 relatif aux marchés publics du 25 mars 2016 notamment en son article 42 (3), qui permet son utilisation – sans toutefois la rendre obligatoire – dans les marchés publics de travaux et les concours.
Innovant en raison de ses aspects collaboratifs et interactifs, le BIM soulève en tant que tel de nouvelles problématiques au regard du droit d’auteur.
Le BIM : le résultat d’un processus collaboratif et interactif
L’outil « Building Information Modeling », dit aussi « Building Information Model » (BIM), « Modèle d’information unique du bâtiment » (MIB) ou encore « Maquette numérique du Bâtiment » (MNB) est une technologie et des processus associés pour la planification, la conception, la construction et la gestion d’un bâtiment, de projets d’infrastructures ou d’installations industrielles.
En tant que maquette numérique, fichier numérique, concentrant l’ensemble de l’information technique d’un ouvrage bâti, en fonction de l’état d’avancement de sa réalisation et de son exploitation, un BIM permet non seulement le partage de données mais aussi leur reproduction et leur modification par plusieurs utilisateurs de manière collaborative et interactive.
En pratique, une bonne utilisation de cet outil pourrait offrir de multiples avantages, comme permettre l’accélération des constructions tout en offrant une réelle optimisation technique, économique et environnementale.
D’un point de vue juridique, néanmoins, le BIM n’est pas encore encadré malgré ses enjeux majeurs, notamment au regard du droit d’auteur.
Un encadrement contractuel nécessaire du BIM au regard du droit d’auteur
Selon l’article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Selon l’article L 112-2, sont notamment considérés comme œuvres de l’esprit, les œuvres de dessin et d’architecture, les plans et croquis.
Par conséquent, dès lors qu’elles sont originales, toutes les contributions au BIM, ainsi que la maquette numérique finale, en 2D ou 3D, pourraient être considérées comme des œuvres de l’esprit, impliquant le respect des droits patrimoniaux et moraux de leur(s) auteur(s) et leur utilisation ou exploitation par un tiers sera conditionnée par une autorisation préalable et spécifique.
En cas de pluralités de contributions, l’article L 113-2 du Code de la propriété intellectuelle précise qu’ « est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière. Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».
Dès lors, selon le degré de collaboration et d’interaction numérique, un BIM pourrait être qualifié d’œuvre collaborative, composite ou collective.
C’est pourquoi, l’usage d’un BIM imposera au maître de l’ouvrage, ou au maître d’œuvre chargé d’un contrat de maîtrise d’œuvre de conception, de prévoir contractuellement le régime des cessions de droit d’auteur nécessaires à son activité, en prenant en compte l’ensemble des résultats générés, en plus des données et logiciels afférents.
Une révolution, non. Les contrats de maîtrise d’œuvre intègre d’ores et déjà les clauses de cession de droit utiles à l’exécution du projet, de même que le CCAG-PI. Néanmoins, afin de prévoir tout risque ultérieur de contestation et de requalification, une traçabilité des différentes interventions devrait être instituée, permettant de suivre l’historique des différents apports et garantir le respect des titulaires de droits.
Seule une telle anticipation contractuelle pourra permettre une valorisation pérenne de cette technologie et un développement souhaitable.
Marie Soulez
Lylia Lanasri
Lexing Contentieux Propriété intellectuelle
(1) Directive 2014/24/UE du 26-2-2014
(2) Ordonnance 2015-899 du 23-7-2015
(3) Décret 2016-360 du 25-3-2016